OFLC : Les clichés lexicaux
L’ Observatoire des Faits de Langue Contemporains vise à recenser les mots et expressions qui envahissent le discours contemporain. Chacun peut contribuer en se reportant à cette page : le pourquoi-comment de l’OFLC
Famille 2 : Les Rizzani
Clichés lexicaux porteurs d’un sens, un propos, un discours –et donc un discours convenu, tout en se targuant de ne pas l’être
« 2.0. »
(Acratie)
Je ne sais pas depuis combien de temps ça existe, pour ma part je ne le remarque grand public que depuis quelques semaines.
web 2.0. le web courant.
Peillon veut du numérique 2.0. dans toutes les écoles.
Rejoignez-nous sur le web 2.0.
3.0. c’est le web à venir.
Je suppose que le web 2.0. remplace le web parce qu’on veut préparer le consommateur à l’arrivée du web 3.0.
Bibi : Tu ne dis pas tout : ce qui est intéressant c’est que 2.0 se décline indéfiniment : c’est de la musique 2.0! C’est le cinéma 2.0! Là il prend le sens de : demain. A fortiori avec 3.0. Ou même avec 4.0, pour signifier qu’un truc a beaucoup d’avance. Cela dit il faudrait trouver d’autres exemples que les miens pourris, j’en appelle à l’expertise collective.
Acratie : Je ne savais pas tout ça, c’est pourquoi j’avais finalement trouvé cette proposition peu judicieuse.
C’est intéressant parce que je connais le 2.0.dans son sens d’origine comme étant le web interactif utilisé couramment et je sais aussi que cette appellation n’était pas fréquente jusqu’à récemment. Alors hypothèse : si le 2.0. s’est décliné comme tu le dis hors du numérique dans le sens « de demain », chacun s’est donc familiarisé avec le 2.0., alors n’est-ce pas pour cela qu’il revient en force vers le grand public via les média dans son sens d’origine…
“addict”
(Yeux bleus)
Dans les années 70 un consommateur de LSD était un drogué, un alcoolique était un alcoolique, un amateur de chocolat était une personne normale, un internaute n’existait pas.
En 1977 le professeur Claude Olievenstein écrivait l’excellent livre « Il n’y a pas de drogués heureux ».
http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Olievenstein
En 2012 Florence Sandis écrit « Les sex addicts, quand le sexe devient une drogue dure ».
Les consommateurs d’extasy sont « addicts à l’extasy », les alcooliques sont « addicts à l’alcool », ceux qui aiment les Rochers Suchard sont « addicts au chocolat » et certains internautes ont un « comportement addictif » avec Internet (comme chez bégodo.info).
Les québécois ne sont d’ailleurs pas contents de ces emprunts à l’anglais.
http://languedepoche.cegepoutaouais.qc.ca/index.php/erreurs-de-langue/a/15-addiction-et-addictif
Le mot drogué est de moins en moins utilisé, ceux qui veulent parler français disent plutôt « accro » ou « dépendant », « cyberdépendant » etc.
D’après le Larousse, addiction, addictif, etc sont des termes médicaux anglais francisés.
Par contre le mot « addict » est traduit par « addicté » en français, là personnellement je n’ai jamais lu ou entendu « addicté », que « addict » direct anglais.
http://www.larousse.fr/encyclopedie/article/Laroussefr_-_Article/11005623
Bibi : les drogués on les appelle les toxicos, depuis un certain temps. Ou les tox. Paradoxalement toxico sonne moins péjoratif que drogue qui est pourtant bien la façon la plus neutre de dire les choses.
« aventure humaine«
(Shash)
Alors cette formule-là, elle est pas cro-yable
Son avantage? t’es face à moi, tu m’dis ça, t tranquille j’me casse, direct
On peut l’entendre dans pas mal de présentations-spot pub d’émissions de télé réalité, mais pas que.
Dès que ça parle juste de la vie en fait, ça dit aventure humaine, comprendre c’est riche, c’est de l’humain quoi.
Oui tu m’a vu mettre un jour sur mon blouson un sticker avec marqué dessus l’humain d’abord mais là, c’était pas pareil, c’était politique.
Bibi : A rapprocher, sans doute, de la Rencontre. Ou des rencontres. On fait des rencontres. Les voyage c’est la rencontre. La Rencontre avec qui ? Avec l’Autre.
« bicraver »
(Acratie)
Retrouvé dans un texte sur l’imprimante 3D :
Mohamed bicrave ses statues sociales.
J’avais oublié que ce mot existait et que j’aime bien sa sonorité, la diction particulière, accentuée sur la fin du mot qu’il oblige à avoir. Je crois que c’est un fait de langue car son sens a évolué. Peut-on partir de l’argot pour aboutir à un fait de langue ?
– Il a son Audi le bicrave !
bicrave désigne le dealer.
– Combien tu la bicraves ton Audi Chris ?
bicraver signifiait dealer, c’est devenu vendre par extension (des voitures, des crêpes, de la dope).
Bibi : bon petit point d’ethnolinguisitque
« Cascader »
(Camille)
Terme entré dans le jargon d’entreprise. Connotation hiérarchique: il s’agit de retransmettre par succession. On cascade des informations à ses subordonnés. C’est la technique du top-down (par opposition à bottom-up).
C’est aussi un terme utilisé plus communément pour dire mourir ou être condamné. En illustration, la chanson « Cascadé » de Sexion d’assaut: « J’ai vu des gens cascader en plein Paris centre », « J’ai vu l’Mali cascader, J’ai vu l’Dakar cascader, …, J’ai vu trop d’gens cascader ».
Bibi : Je ne connais pas mais je signe. Je savais que ça me jouerait des tours de pas supporter ce groupe. Je vais faire un effort.
« Capter un public, public captif. »
(A la casa)
Extrait d’un article sur http://www.mutzigstar.com où Messi Ambroise parle de Karine Amy qui a remporté la finale de la Mützig Star 2010 avec « Esingang », titre du morceau du Feu Zanzibar: « Elle a su capter le public »
http://www.enssib.fr/content/bonjourje-realise-actuellement-un-memoire-de-stage-portant-sur-le-public-du-secondaire-en
La notion de public captif, effectivement très répandue, est issue de la didactique. Le sujet apprenant est membre d’une institution qui décide de ses orientations d’apprentissage : le public scolaire est typiquement un public captif, qu’une bibliothèque sera amenée à recevoir dans la cadre d’une animation.
Capter l’attention d’un public mais aussi d’apprenants, d’élèves, d’apprentis en formation initiale ou continue ou de stagiaires en formation pro, de salariés en séminaire de travail transforme alors ces groupes en un public captif puisque dépendant d’une institution décideuse de ses orientations d’apprentissage (contenu, moyens pédagogiques mis en place, médiations-supports de contenus comme les présentations et lectures d’auteurs en bibliothèques ou ailleurs, les séances ciné ou représentations théâtrales suivies de la présence des professionnels au débat pour les publics scolaires par exemple)
Peut être l’idée d’attraper, de s’accaparer quelque chose chez quelqu’un, dans un groupe, avec l’objectif d’en faire profit :
-en produisant une réflexion dans un séminaire pro par exemple dont l’objectif peut être de générer et de capter un apport d’idées, des suggestions d’amélioration de pratiques, la construction d’une analyse de dynamique d’équipe.
– en mettant dans une situation qui suscite des réactions, des émotions aussi.
C’est par exemple l’un des buts avoués et visés dans les pratiques artistiques, cinématographiques, théâtrales où capter les émotions, les réactions du public d’un film, d’une pièce de théâtre, d’un concert est un objectif.
Est alors profitable à tous de capter l’attention des spectateurs pour que le partage, l’expression de leurs émotions et de leurs sensations puissent faire écho à l’investissement, au travail des acteurs, des techniciens, des financeurs. Les personnes composant ce public capté mais actif produisant alors par leurs applaudissements, commentaires, questions, rires, peurs, pleurs, une occasion pour chacun de vérifier le contenu de sa boîte à sentiments et émotions
http://mutzigstar.com/preselections-2011-videos/mediatheque/videos/2257-messi-ambroise-l-elle-a-su-capter-le-public-r.html
(Acratie)
Je croyais que public captif c’était par exemple les personnes âgés que la maisn de retraite emmène au spectacle sans qu’ils en expriment forcément le souhait. Ça fait masse dans la salle mais c’est un public captif. Pareil pour les lycéens dont les classes, en fonction des options, sont abonnées au théâtre. D’ailleurs tout système d’abonnement crée un public captif (et toi si tu veux exceptionnellement aller au théâtre, y a plus de places).
Bibi : je ne sais plus trop. Je me rends compte que je ne maitrîse pas cette expression pourtant très entendue.
« Clivant »
(Acratie)
Les étrangers devront patienter pour voter, la question est trop clivante.
Le mariage pour tous est également clivant mais on peut pas tout remettre aux calendes grecques non plus.
Copé est clivant et Fillon plutôt consensuel. Passons.
Autrefois on parlait d’un clivage droite/gauche.
Bibi : Oui, ce mot est en pleine vigueur.
Il me semble qu’il a d’abord pas mal sévi dans la sphère culturelle : ce film est clivant, cet artiste est clivant. A un moment il était assez interchangeable avec segmentant, beaucoup entendu dans la bouche des producteurs de télé : un livre est segmentant, au sens où il ne peut toucher qu’un segment de la ligne globale que représenterait le public. Donc en parler dans telle émission culturelle c’est risquer de segmenter l’audience. Bref : n’en parlons pas. Segmentant étant alors une façon de dire : proposition rejetée.
Mais je ne l’entends plus.
« corporate »
(Manue)
Entendu plusieurs fois depuis le début de l’été mais j’imagine qu’il circule depuis déjà plus longtemps. De ce que j’en ai compris : indique un sentiment d’appartenance à l’entreprise, une fierté d’en faire partie. L’employé corporate : celui qui adhère totalement à l’identité de l’entreprise et qui cherche à la valoriser. En cherchant sur internet, je trouve ça : « La communication corporate regroupe l’ensemble des actions de communication qui visent à promouvoir l’image de l’entreprise ou d’une organisation vis à vis de ses clients et différents partenaires. La communication corporate se distingue classiquement de la communication de marque dans la mesure où c’est l’organisation qui est promue et non directement ses produits ou services. Le terme anglais de communication corporate a pour équivalent en français celui de communication institutionnelle. » J’ai l’impression que ce mot issu du langage marketing a été légèrement détourné en migrant vers le langage courant. Si pour certains, il continue à signaler une adhésion sans faille à l’entreprise : ex de post sur Facebook : logo de l’entreprise suivi de la mention « corporate ! » pour d’autres, il permet par la négative, d’indiquer une certaine distance un peu ironique avec cette communication institutionnelle qui demande à chaque employé d’assumer le rôle d’agent promotionnel : ex : MOC, dans le feuilleton de l’été : « je ne suis pas très corporate » (de mémoire, je n’ai plus la page sous les yeux) J’ai l’impression que c’est cette forme négative, plus subtile, qui peut connaître la meilleure expansion. We will see.
Bibi Oui, pour que ce soit arrivé jusqu’à mes oreilles et que je le refourgue en BD, ça ne doit pas être si récent. Je me demande même si c’est pas déjà un peu dépassé. Là-dessus Wombat, notre infiltrée en entreprise, pourrait nous renseigner. Mais on prend. Le conseil constitutionnel pourra pas dire qu’on l’a raté.
« créateur »
(Cédric)
Je feuilletais ce matin des pubs donc le catalogue de la foire aux vins Leclerc. Quelques mots sur cette couverture ont attiré mon attention « Leclerc, créateur de la foire aux vins depuis 1973″, j’ai trouvé la formulation bizarre mais en y réfléchissant je constate que le mot créateur est vachement employé dans la pub ou la com’ : cf le club des créateurs de beauté (genre de Redoute du produit de beauté), les instituts/spas créateurs de bien-être, la mention « coiffeur créateur » sur un nombre croissant de salons et dans une pub entendue régulièrement (sur Canal je crois, peut être bien pour un sponsor météo, mais mon cerveau a tourné dans le vide là-dessus ce matin donc info très approximative), on entend « créateur de talents ».
Bibi: C’est pas d’hier, puisqu’on parlait de « créatifs » dans la pub dans les années 80. Aujourd’hui encore, je crois savoir qu’on parle des « créas » dans ce genre de boites -en général c’est eux qui prennent toute la coke dans les fêtes corporate, en se foutant de ceux qui sont pas des créas (genre ceux qui sont à la compta)
Mais j’ai effectivement l’impression que le verbe et son substantif se déclinent beaucoup depuis quelques temps. Sur BFM, ma radio préférée comme on sait, il est beaucoup question de ne pas entraver (par des charges, bien sûr) la créativité des entrepreneurs.
« Dans le(s) nuage(s) ou in the cloud »
(Sheer heart attack)
1.concept d’informatique dans le nuage comparable à celui de la distribution de l’énergie électrique puisque
la puissance de calcul et de stockage de l’information est proposée à la consommation par des entreprises spécialisées et facturée à l’utilisation réelle qui en est faite: les clients n’ont plus besoin de serveurs dédiés, de racheter de l’espace stockage et peuvent confier le travail à effectuer à une entreprise qui leur garantit une puissance de calcul et de stockage à la demande.
De plus, les documents à sauvegarder ne sont plus présents en local seulement, ils peuvent être sauvegardés automatiquement et en cas de sinistres, d’incendie, de vol de matériels, le client peut rapidement récupérer ses données sauvegardées et sécurisées dans son nuage, son cloud.
2.appliquée à la scolarité et à ses bulletins de notes et appréciations, on peut de fait noter une évolution d’usage de l’expression:
* dans un bulletin de second semestre en 1990: « trop souvent discret, rêveur, tête en l’air et dans les nuages: un changement de comportement est rapidement exigé pour le 3e trimestre »
* dans un bulletin de second semestre en 2013 : « félicitations, vous avez été la meilleure utilisatrice des applications de notre informatique dans le nuage: grâce à vous le nuage-cloud extended services loué pour le travail de groupe au collège a été plus que rentable. Vous avez par ailleurs montré de réelles capacités à transmettre, partager des données et des savoirs et contribué ainsi à enrichir l’expérience de chacun. »
3. dans une discut’, un après’m’ de février 2013, on peut entendre:
« Et des tofs compromettantes comme ça, t’en as stocké beaucoup dans ton cloud? T’as vraiment confiance en cette histoire de nuage de stockage en ligne toi? »
. ou encore dans un speed dating à peine spécialisé:
-> et au niveau de ta largeur de services cloud, tu le situe plutôt comment ton nuage?
-> oh mais dis donc, je vois qu’il est bien fourni ton nuage -puis, redressant le buste- comme toi je stocke plutôt en ligne
4.sur Steve Wozniak et à propos de l’utilisation du-dit concept que
Le cofondateur d’Apple, avec Steve Jobs, semble effrayé par le développement croissant de l’informatique en nuage et l’externalisation des données. « Cela me tracasse vraiment que tout passe dans le Cloud, je crois que ça va être épouvantable. Je pense qu’il va y avoir des problèmes horribles dans les cinq prochaines années. Avec le nuage, rien ne vous appartient, j’aime savoir que les choses sont à moi. Beaucoup disent ‘Oh ! C’est dans mon ordinateur !’, mais plus on transfère dans le nuage, moins on garde le contrôle.»
5. Du coup, on parle déjà de dépendance au nuage ou plutôt de dépendance au cloud:
http://www.numerama.com/magazine/25114-la-dependance-au-cloud-et-la-concentration-des-donnees-inquietent.html
« data/ open data »
(Patalabolo)
.opendata: mouvement qui consiste, pour les administrations par exemple, à ouvrir leurs données au public, au travers d’un portail, d’une plateforme en ligne ce qui permet la coordination d’actions d’informations publiques d’un Etat, de ses établissements publics administratifs, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public
-se dit également d’un logiciel: le G Data qui, de la génération 2013, s’appuie sur de nouvelles technologies proactives ou encore le G Data TotalProtection qui assure une protection complète contre les logiciels espions, les spams, le piratage et offre également un module de contrôle
. dans GQ num50, une enquête est titrée : Présidentielle 2012, l’histoire secrète d’une data election. On y repère notamment la tonalité participative qui a profité d’une certaine expertise numérique à base de micro-targetting, du fundraising et de time-line auxquels un supplément d’inspiration a fait communiquer par websérie ou présenter sa philosophie en open source, tendance logiciel libre et outils avec ouverture du code source
–de la génération data/opendata:
. tu en es quand sur le web, on redoute les dégâts que tu peux faire avec un simple tweet et que tu t’y fais élire sniper en chef
. tu lui appartiens à cette génération rapport à la nuit qu’t’as passé à ruminer ton échange d’hier au resto avec Raïssa :
« tu crois qu’il est open data?
– je sais ap’ il est de moins en moins proactif sur son compte
– mais toi tu lui as dit que t’étais open?
– benh oui et c depuis qui m’donne pu d’infos justement, mais j’lâche pas l’affaire
– tssss v’là pas la mission »
Bibi : d’un coup je me vois arriver en gare et le train est déjà parti. On me propose une charrette pour rallier Limoges.
« Le décryptage »
(PH)
Contemporain il l’est mais est-ce réellement un Fait de Langue, pas sûre. D’autant plus qu’on ne l’entend pas partout mais principalement dans les médias (presse et JT): Le décryptage.
On ne dit plus explication, développement, analyse mais décryptage.
Pas de support audio, seulement des écrits d’annonce:
http://www.franceinter.fr/son-d-actualite-plaisir-et-ennui-a-l-ecole
http://www.dailymotion.com/video/xtfri8_la-protection-des-jeunes-sur-internet-decryptage-par-laurence-allard_tech
Bibi : effectivement y a un truc de ce coté là, et tes deux exemples achèvent de me convaincre
Le « décryptage » remplace de plus en plus souvent, en fin de lancement d’un reportage de JT, le « les explications de… »
Il y aurait, par extension, beaucoup à dire sur les dispositions qui sous-tendent la manie du décryptage (l’idée que la réalité est cryptée est adossée à un autre imaginaire que l’idée qu’il est complexe)
« Dispositif »
(Cédric)
Emergence du mot « dispositif » depuis quelques années dans la politique (entendu lundi « le dispositif anti-alcoolémie au volant », aujourd’hui « le dispositif sur les retraites », dans l’éducation (dispositifs de soutien, dispositifs d’éducation artistiques)…. Très utilisé très souvent là où avant on aurait dit programme, série de mesures ou actions.Vachement utilisé aussi par les artistes. Enfin, vachement utilisé aussi par François Bégaudeau himself.
Bibi : je connais pas bien ce François au nom imbitable, mais je suis sûr que lui utilise dispositif dans un sens noble, racé, supérieur
« en capacité »
(Cédric, 11/09/12)
Ces derniers mois j’ai pas mal bouffé du « être en capacité de » dans le milieu professionnel. S’adresse ici plutôt à quelqu’un qu’on respecte réellement ou dont le statut impose le respect (position hiérarchique, profession, renommée…). On prend des gants, on essaie de faire comprendre sans imposer.
Façon adoucie par exemple de réclamer à quelqu’un un texte en retard « Est-ce que tu (oui parce que dans la culture on a le « tu » facile) sera en capacité de me rendre le texte sur ton intervention pour mardi prochain ? » alors qu’on est énervé, que la nana était censée le filer il y a 15 jours, qu’on lui a réclamé 3 fois et qu’on dira que c’est une conne dès qu’on aura raccroché.
En vogue aussi chez les politiques, « le pays est en capacité d’affronter la crise ».
Complément Bibi : sa vogue commence en 2005 pendant le débat sur le traité européen. Surtout dans la bouche des nonistes de gauche : rassemblons-nous, et nous serons en capacité d’infléchir les directives européennes. Clémentine Autain, multi-récidiviste. Marie-George Buffet pas loin derrière. Depuis: gravé dans le langage politique, en effet, mais surtout à gauche, et dans le registre d’un appel à mobilisation.
Là on perd de vue ce que tu dis sur le rapport hiérarchique, que pour ma part je n’avais pas noté. Mais ce n’est pas parce que j’avais pas noté que ça n’existe pas.
« En global »
(Shash)
En lieu et place de : En gros, Globalement Béquille orale un peu quand on blabla te et qu’on pressent ou qu’on commence a être contre-argumenté par la situation précise. S’exprimer EN GLOBAL et quasi-tout l’temps casse-gueule sauf si on converse en ambiance de brouhaha, que personne n’écoute vraiment et qu’il s’agit plus de brasser de la parole, Exemples :
– En global toi t comme guillaume, tu dis qu’une fille est très belle si « elle est aussi flash qu’un pede ou qu’un black »
– Il reste cinq rangs d’echalottes puis les fleurs d’oignons à couper au couteau, en global si l’équipe actuelle reste au complet jusqu’a mardi a midi on peut travailler
-En global au Caire ça fait cinq ans que c’est le putain de chaos, non?
Bibi Jamais entendu. Assez laid, même cata que « au final » ou « à l’international » Mais on n’est pas là pour juger. Shakiré.
« espace, pôle »
(Yeux bleux/Mamouba)
Sur les notions d’espace de vie à usages individuels, familiaux (au sens large, amicaux aussi pour certains) ou collectifs, nous employons aussi pas mal le terme de pôle il me semble (pôle ado, pôle santé, pôle information, pôle presse..):
Cela pourrait venir des travaux sur l’organisation des territoires, un mélange d’interventions politico-géographico-sociolo-communico-organisationnel toujours pour nous emmener ou ça veut en fait d’où l’organisation d’espaces fonctionnels que l’on nomme,
A ce sujet, on peut trouver pas mal d’articles intéressant chez Sciences Humaines encore et toujours
Essaierait-on de nous dire que les espaces plaisants, suffisants se raréfient et qu’ils deviennent ainsi de plus en plus précieux? ou s’agit-il encore d’un morcelage forcé (pas clair?) de l’individu? Notamment pour qu’il consomme plus?
Bibi : intéressant. Attention au “on” contre “nous” et aux explications complotistes. En general , “on” essaie de rien nous dire du tout avec cette langue, dont la fabrication est davantage due à la volonté d’innover en enterprise : un jour un mec ramène ça pour faire le mali dans une reunion powerpoint et hop ça prend.
« Être dans les clous »
Acratie : Ce qui est assez actuel et permanent, c’est l’ expression mot d’ordre : il faut qu’on soit dans les clous. La première fois que j’ai entendu ça, je n’ai pas compris. Je me suis demandé ce qu’ils comptaient faire avec ces clous. Il y a quelque chose à réparer ? On va fabriquer quelque chose ? Déjà qu’on fait tout là-dedans, ne me dites pas qu’en plus on doit faire de la menuiserie.
Après j’ai compris. Le temps de me régler sur le mode « attention on nous surveille ». Il faut qu’on soit dans les clous est inspirée probablement de la citation de Georges Brassens (« Un anarchiste est un homme qui traverse scrupuleusement entre les clous, parce qu’il a horreur de discuter avec les agents. »)
Rococum : Ca doit être une des premières expressions qui, employée par une des anciennes collègues de ma xième vie pro, m’avait fait imaginer que cette vie pro ne serait pas facile-facile pour ma pomme: « non mais toi t’es bien dans les clous » qu’elle m’avait dit la futur retraitée/ ex-collègue (j’ai souvenir que c’était en rapport avec ce qui se disait à l’époque de la nana qui faisait circuler la parole dans nos réunions et qui m’indisposait beaucoup moins que la moyenne des gens en réunion enfin, je la trouvais ni plus ni moins chiante que toutes les autres personnes je veux dire):
Acratie : Etre dans les clous je l’entends souvent (je l’emploie aussi) là où je travaille c’est :
– respecter le règlement lors d’un conflit ou quand on se trouve dans une situation potentiellement dangereuse ou limite répréhensible. On dit aussi ouvrir le parapluie.
– faire le minimum pour répondre à une injonction administrative, pour pouvoir rendre des comptes tout en restant maitre du jeu, ou pour ne pas trop se fouler.
A la fois c’est aller dans le sens du discours hiérarchique comme dit rococomum, mais souvent c’est se mettre d’accord collectivement pour le subvertir. Dans quel but ? c’est la question…
Peggy : Je me suis surprise aussi à utiliser on est (ou pas) dans les clous ou à noter qu’on l’utilisait de plus en plus là où je travaille aussi, à chaque fois à propos de la qualité, domaine qui est un bon fournisseur de FLC je crois. Toujours pour se référer à la norme ISO que l’on doit atteindre, ce graal, cette accréditation sans quoi on n’aura plus le droit de travailler. On est dans les clous quand on répond à cette norme. On n’est pas dans les clous, on se fait recaler et on se prend un « écart » par rapport à cette norme.
Bibi : marrant de voir qu’une expression dont l’origine littérale est complètement désuète (les clous des légendaires passages cloutés qui avaient déjà disparu en 78, puisque je me souviens avoir demandé à ma mémé Alice ce qu’elle entendait par traverser dans les clous) fait des ravages dans le temple de l’avant-garde FLC, l’entreprise.
« franco-français »
(Perdricotti)
Comment pourrait s’appeler le fait de répéter un truc et de le doubler dans une expression?
Exemples : franco-français, pratico-pratique;
Le premier, entendu encore ce matin dans l’interview d’hier de lagarde passée dans les 4 vérités de sicard sur une des chaînes publiques de france télévision
Un exemple en ligne où ipsos qui passe les français à l’irm en permanence a diagnostiqué ceci:
http://www.ipsos.fr/ipsos-marketing/actualites/2012-02-03-innovation-francais-votent-pratico-pratique
Cela aurait devancé ou remplacerait, selon d’où on parle, le de chez comme dans français de chez français , pratique de chez pratique, académique de chez académique
Ce serait une variante dans la forme d’une redondance dans le discours bien illustrée aussi par delphine quand elle parle du à 100 %:
Chez Lagarde il s’agissait d’affirmer qu’elle répondrait devant la justice de son pays (je cite) d’une affaire qui ne concerne en rien son poste d’aujourd’hui au fmi et qui relèverait du droit franco-français
Pour académico-académique, Lordon l’emploie dans un de ses développements sur l’apparente scandaleuse mais salutaire nécessité pour les chercheurs d’être, en amont de la diffusion de leurs travaux, dans une entre-soi de spécialistes jargonnant qui favorise le débat d’idées et l’approfondissement conceptuel, on peut parler alors d’un discours de genre académique comme explicité dans le lien fourni ci-dessous:
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1997_num_75_3_4195
Son avantage? déclinable à l’infini comme dans érotico-érotique, politico-politique, begaudo-begaudique, rockacadémico-rockacadémique
(Delphine)
« Franco-français », ça pourrait vouloir dire très français, voire « franchouillard » dans certains cas, dans la façon de fonctionner, c’est-à-dire que ça reste très traditionnellement français dans le rythme de travail, par exemple. Et il ne faut surtout rien changer, c’est pratiquement indépoussiérable. C’est souvent le cas des grandes institutions. Par exemple, je travaille dans une entreprise internationale, et mon service est à dominante francophone, en comparaison d’autres services pratiquement entièrement anglophones. Je n’ai pas toujours travaillé dans le même service, et, en comparaison d’autres services dans lesquels j’ai travaillé, je me dis souvent que le mien a gardé un côté « conservateur », dont certaines procédures me paraissent obsolètes, à cause de leur lourdeur administrative, par exemple.
« Franco-français », ça peut aussi vouloir dire, dans des institutions ou des entreprises à 100 % francophones, résister à l’invasion de la langue anglaise, par exemple, et, sous-entendu, à l’invasion de la culture anglophone qui pourrait bouleverser les habitudes de travail, et obliger à adopter le système de mondialisation.
Sans vouloir vraiment dire que « franco-français » démontre un manque d’ouverture d’esprit ou sur le monde, je pense que ça a un côté conservateur, qui, finalement, n’a rien d’étonnant puisqu’une partie de la société française est attachée aux principes conservateurs.
Bibi : Franco-français est évidemment péjoratif. Pas étonnant que Lagarde, fluent en anglais et chef de la bourgeoisie mondiale, l’utilise. Dan sa bouche franco-français veut dire : me parlez pas de ces petites histoires villageoises, moi mon pays c’est le monde.
« Franco-français » est le FLC préféré de nos amis libéraux-répressifs pour stigmatiser ce qu’ils appellent les archaismes et les lourdeurs d’ici.
En général, il advient juste après l’expression « Nous sommes le seul pays au monde….. » (où on taxe les riches à 50 %, où on est passé aux 35h, où on a baissé l’age de la retraite, etc -voir BFM radio, chaque jour, chaque heure, inlassablement).
Pas loin derrière : depuis 30 ans. Dans ce pays on n’a rien fait depuis 30 ans.
« Franco-français » désigne un ensemble de comportements et de fonctionnements qui n’ont pas encore assimilé la performante fluidité anglo-saxonne. Il faudrait cesser d’etre « conservateurs », disent-ils. Afin d’etre plus compétitifs.
Note : ce sont les mêmes qui :
-auront des doutes sur le mariage homo et de grosses réticences à la PMA
-ne seront pas d’accord pour dépénaliser le Cannabis
-trouveraient saugrenu d’envisager la suppression des prisons
-trouveraient dingue de supprimer les notes à l’école
etc, etc, etc, etc
En réalité ces gens ne s’en prennent au conservatisme que lorsqu’il entrave la grande sauterie libérale.
Et sont conservateurs sur tout le reste. Très bourgeo-bourgeois sur tout le reste.
« gratter » (pour obtenir)
(Shasheer)
-Et en global t’as réussi à valider ton dernier semestre ? Yep, j’ai gratté 4 points avec une vieille fiche de lecture qu’Atmen m’a filée, c’est passé crème
-Et il vous ramène où ? à Lille, on va essayer de gratter jusque devant la gare mais ça m’semble mort pour jusqu’à chez louise
-J’ai réussi à gratter cinq euros, à nous the good-good life t un dieu, gros.
Sur fun radio dans le mikl no limit tu téléphones pour témoigner de comment tu fais pour pécho ou pour t’essayer à rigoler de ton dernier râteau, partager tes trucs quand t’as repéré quelqu’un et cette nuit, à l’antenne, un mec raconte: – dans une soirée j’essayais de gratter une meuf depuis dix minutes, j’avançais pas alors, j’ai demandé à mon meilleur pote.
Bibi J’avais repéré cette tendance il y a trois ou quatre ans sur Skyrock. A presque chaque fin d’intervention, l’auditeur demandait à Difool si y avait moyen de gratter un maillot (l’émission offrait des maillots de foot, ou de n’importe quoi) Tendance tellement ancienne qu’au début de ma vie de prof j’eus quelque déboire en alertant, avant un devoir, ceux qui seraient tentés de gratter. Gratter, pour moi né au siècle dernier, voulait dire : tricher. Alors eux ils me demandaient : gratter quoi? Cela dit ce n’était pas si éloigné. Gratter = gruger = par extension “voler”, “chiper”, et par surextension “obtenir”. On pourrait dire : obtenir gratis ce qui normalement aurait du coûter.
« Hipster »
(Wombat)
Nouveau bobo arty 2.0, le hipster est un individu éminemment coolissime et social. Tout ce qui est à contre-courant l’enchante, il porte avec aisance une moustache comme on n’en voit plus que dans les adaptations de Maupassant sur France 2, un short en jean à frange vintage 80′s comme on n’en voit plus que sur votre papa quand il tond la pelouse le week-end. Le bandana serait devenu son nouvel accessoire de l’été, si Koh Lanta ne l’avait pas vulgairement remis au gout du jour. Car la plus grande peur du hipster est d’être mainstream, « dans les clous ». L’air du temps l’étouffe, le décalage ne lui suffit pas, comme la Fnac, il est précurseur de tendance. Il reste cependant à la pointe de la technologie, avec sa petite tablette Nexus (Apple, c’est trop mainstream) dans une pochette en faux cuir Freitag (tuer des vaches, c’est trop mainstream). Il rejoint ses amis accessoirisés de lunettes piquées à Elton John dans des restos swag (si vous ne comprenez pas ce mot, vous n’êtes pas un hipster…), où il faut reserver 3 mois a l’avance et où l’on paye 50 euros pour 2 carottes entourant une coquille saint jacques servies par un maître d’hôtel méprisant. Le week-end, entre un cupcake au sirop d’agave et gingembre roti et une exposition sur l’analyse de la catharsis dans l’oeuvre de Brecht, il fait quelques emplettes chez Colette. Il twitte des phrases enigmatiques tirées de poèmes d’auteurs suicidés à ses followers et écoute FIP le dimanche. Il rêve que sa vie soit un mélange sans fin de Tracks et de Paris Dernière.
Voir http://obsession.nouvelobs.com/pop-life/20121002.OBS4263/hipsters-la-barbe.html
Bibi : c’est une sorte de sommet de l’oflc ce post. Un morceau de vie, d’époque, de siècle. Merci.
Utilisé la semaine dernière dans Libé à propos de Franck Annese, qui est quand même moins branchouille que le hipster que tu decris. Mais dit-on encore branchouille? L’ai entendu il y a peu au Mans et dans la bouche de Marine Le Pen, c’est pas bon signe.
« Kikoulol »
(Wombat)
Se dit d’une personne dont tous les messages électroniques, SMS et autres saisies au clavier commencent invariablement par « kikou » et se terminent par « lol ». Sur un mode hystérique alternant majuscules hurlantes(« jKIF GRAv »), ponctuations éloquentes (!!!!!???!!!!) et smileys en tout genre (^^ D) ), le kikoulol est la plupart du temps enjoué au point de ne pas maîtriser tout à fait le second degré. Le subjonctif demeure pour lui un mystère, tout comme les majuscules en début de phrase, la cédille et la conjugaison des verbes du 3ème groupe.Son enthousiasme débordant cache cependant un être complexe, hanté par la mort, comme l’atteste les nombreuses références « mdr » qui constellent ses messages. D’un naturel un peu soupe-au-lait, il passe facilement de l’euphorie radicale (« trotrolol la m9 ^^xDD ») à la révolte indignée (« ch8 surGavé VnR pt1 grrr »). Une évolution majeure des années 2010 consistera à remplacer tous les clavier AZERTY par des claviers KL):!?
Très utilisé par les « digital natives », bloggeurs, tweeter addicts, etc….
Dans les médias, on le retrouve pourtant, ex :
http://www.lesinrocks.com/2010/02/27/medias/internet/spammeur-famille-kikoolol-le-top-10-des-boulets-facebook-1133477/
(Charles)
Kikoulol était très utilisé y’a 5-6 ans par les 12-18 ans, surtout par les meufs, maintenant il est encore un peu employé par ces mêmes gens mais moins. En revanche il est plus employé de manière ironique par les jeunes un peu plus vieux (c’est à dire des personnes comme moi).
Bibi : Fille de 13 ans, je ne suis donc plus dans le créneau pour le recycler.
« lambda »
(SHASHEER)
Terme qui, depuis 2006 par là, désigne et isole le quidam ordinaire, le fameux m’sieur tout l’monde ou sa madame
en l’opposant à l’initié/e, au/à la spécialiste, à l’expert/e, à la toute non moins fameuse smala qui sait et peut expliciter un concept, une tendance, une actualité, une émotion, un événement
est ainsi désigné le spectateur lambda, le consommateur lambda, le citoyen lambda, le touriste lambda, le contribuable lambda, l’utilisateur lambda
http://www.allocine.fr/communaute/forum/message.html?communaute=2&nofil=563430&cfilm=134715
+ pas mal d’autres exemples ci-dessous :http://www.linguee.fr/francais-anglais/traduction/consommateur+lambda.html
Et tous ces désigné(e)s lambdas, ou auto-désigné(e)s machins/trucs-lambdas dans une phrase comme je ne suis qu’une lectrice lambda par exemple, pourraient être fleuris tous les jours tant ils font parler d’eux, quitte à faire un peu rager le soldat inconnu sous sa gerbe annuelle.
Bibi :
Sur BFM radio ils disent souvent : Madame Michu.
-En attendant dans le panier de Madame Michu y a de moins en moins de provisions à budget égal
-Madame Michu ce qu’elle attend de l’Europe c’est du pouvoir d’achat.
-Allez expliquer à Madame Michu qu’il vaudrait mieux qu’elle achète français alors que les textiles chinois sont trois fois moins chersi
« le mal du siècle »
(Jeremy)
Nous devons vivre des temps sacrément pathologiques pour que, par décret, un certain nombre de symptômes soient affublés de la fameuse périphrase : « le mal du siècle ». L’expression, vaste fourre-tout, convoque à la fois la physiologie, les troubles de l’humeur (récemment un titre-choc du Nouvel Obs’ sur la bipolarité), la peur de l’avenir, l’addiction au scrabble dans les maisons de retraite … selon les modalités de l’hyperbole, révélant surtout une tendance réactionnaire ou un goût de la phrase-slogan que la réalité valide globalement assez peu. On se souviendra qu’à l’origine, « le mal du siècle » désigne un sentiment d’ennui ou d’inadaptation de la jeune génération romantique au début du XIXème siècle, parce que « vague des passions » ne faisait pas clignoter les voyants de la révolte. Ou pas assez.
Bibi : Ce post est magnifiquement écrit, quoiqu’un peu trop dénonciateur. On n’ose imaginer ce que nos ancêtres, condamnés à une vie mutilée d’au moins quelques décennies, auraient pu dire des terribles épidémies qui décimèrent l’Europe. Qu’auraient titré les gazettes, si elles avaient existé pendant la guerre de cent ans ? « Peste : le mal du siècle » ? Le petit bourgeois occidental qui se plaint d’une douleur au dos a beau jeu de brandir la sacro-sainte expression quand une autre partie du monde, bien moins prolixe parce que réduite au silence, rêverait sans doute de la verbaliser. L’on s’étonnera enfin qu’en ce siècle à peine naissant le slogan péremptoire se hasarde à la prospective, puisque d’autres le chasseront bientôt, au gré des modes.
« No look »
(Patopesto)
Quand on niveau du visuel, t’es pas trendy, t’es pas trop et c’est pas trop ta semaine de la mode quoi.
Peut-être aussi au sujet de quelqu’un qui est tellement hors la mode qu’il est jamais vraiment ringue non plus au final,
Le look de Mark Zuck’ par exemple qui, avec ses claquettes de piscine et ses sweats à capuche, se voyait conseiller de prendre des leçons de pdg par un cadre de sa société, se voyait suggérer fermement, au moment de l’introduction en bourse de Facebook, d’abandonner son look de geek qui marche avec ses employés et ses utilisateurs mais pas avec des investisseurs
(extrait d’un article titré le vrai profil de Mark Zuckerberg)
ou encore
Voir aussi : http://www.closermag.fr/content/65717/sondage-aimez-vous-le-nouveau-no-look-de-carla-bruni
Bibi : oui on voit que le no-look est un look. Que nul n’échappe au look. Et surtout que le pourtant ringard look survit assez bien, ne serait-ce que par la notoriété de cet antonyme.
« Normal »
(Sha Shee)
un peu sur-employé depuis françois hollande présidant la france
encore hier
– à propos du forum de Rennes (29-30 mars) Événements Libé/ Présidence normale, vous avez dit normale ?
José Marie Bergoglio et sa fumée l’ont réactivé
François, pape « normal » (marianne)
un adjectif qualificatif qui pourrait être utilisé pour signifier une pose enviée, un break fantasmé, un patch idéal qui apaiserait d’un too much, d’une situation tant gonflée à l’hélium qu’annoncer un moment normal superlative en soi le fait de penser au bien-être apporté par ce terme et le comportement, la personnalité, un rythme d’utilisation ainsi décrits
– on a bu un pot au café, il m’a dit que je lui plaisais puis il m’a proposé d’aller au ciné, une soirée normale quoi
– louer les avions de la paf pour me faire sa déclaration? normal, vu comme elle m’aime
– ma relation aux mails? comme pour le brossage des dents, 3 fois par jour: je les lis en arrivant, après déjeuner et une heure avant de partir, un rythme normal pour pas trop louper l’essentiel quoi
c’est aussi le titre d’un roman
– «Quand j’étais normal», un roman presque empathique de Marc Weitzmann (médiapart)
Bibi : le plus intéressant ici me semble l’usage post-hollandien. J’ai entendu récemment : “un patron normal”. Ce qui est intéressant c’est l’équivoque de l’usage : por Hollande, etre un president normal signifiait : etre un president comme tous les prédécesseurs de Sarkozy, qui, lui, avait degrade la fonction. En gros un president normal c’est celui qui mesure son statut d’exception. Un president normal est normalement au-dessus des mortels (je tiens un peu cette analyse de Cynthia Fleury)
« pop up/ pop upper »
(Bastavatars)
Celui qui parle, commente, poste de façon intempestive ; découle de l’action de parler commenter poster de façon intempestive comme ces fenêtres de pub qui s’ouvrent avant ou juste après ton clic affamé sur le lien d’un article de fond ou d’une vidéo qui t’intéresse
-J’ai passé la soirée la plus dégue de ma vie, Marc m’a présenté son nouveau mec, le genre qui te popes up à chaque seconde : trop saoulant.
-C’était comment ce matin l’intervention de ta sommité préférée?
-M’en parles pas, chu encore en fusion là : dès que j’intervenais pour demander une précision ou poser une question, ia l’autre pop up qui la ramenait aussitôt pour reprendre ce qu’on venait de dire et simuler une nouvelle question, on était tous à blanc.
-Pendant le film, le repas et même au pieu il a tchatché haut débit le gars. J’ai bien tenté quelques pop ups mais rien pour le dévier: ce mec c’est l’apparition de l’année à oublier.
Bibi : Je ne connaissais pas le terme pop-up avant que mon ami webmaster me l’apprenne (en même temps que la tarte à la bière)
Donc je connaissais encore moins cette lexicalisation du terme technique.
Nous sommes une université populaire, je le dis. Sauf que c’est pas toujours Onfray qui parle.
« c’te profil/ v’là pas l’profil »
(Shash)
Autour de la table de café, ça tactile de la tablette:
-t’as vu le profil de celui-là, ça craint,
– vl’à pas la tronche, on dirait mon oncle, j’te jure, la même coupe top ringue
– et cui-là, cui-là, re-gardes c’te profil, t’as lu ou pas?
– et l’aut’comment i poooose
– et là le sourire, le sourire, c ouf
– oh putain t’as raison ça craint,
– tous ces profils, on croirait la vitrine d’un vieux magasin de fringues que j’avais vu en alsace, à munster je crois, et ben même on m’aurait dit, choisis c’que tu veux c gratuit, ben i’avait rien à sauver, j’te jure, un vrai carnage la mode là-bas
– et toi au fait, t’as mis quoi sur ton profil fb? la dernière fois que j’l’ai r’gardé t’étais en partenariat domestique avec ton chat
– attention, j’amène les verres, le gin-to il est pour qui déjà ?
– eh madame j’ai une idée, on joue à profil-cocktails, vous nous matez et vous d’vinez c’qu’on a commandé
Alors la serveuse sourit, se met de profil et dit:
« m’avez bien r’gardé? »
puis elle pose les 6 verres hurricane au milieu de la table et repart sur ses rollers vers le comptoir
Bibi : au bout du compte je ne sais plus trop où se trouve le FLC ici. Profil ? Ce que je retiens, c’est surtout le v’la. FLC qui m’épate total, que j’entends peu, et qui semble pourtant très pratiqué. Il m’épate parce que je ne vois pas comment ça a pu se fabriquer, et je vois encore moins comment l’utiliser.
« se ficha/ se faire ficha » > s’afficher
(A la casa)
Salima passe le nez au-dessus de la cloison anti-bruit qui la sépare de Yacine:
« comment elle s’est ficha à la réu Akima!
-ah bon? pas r’marqué,
-t’as pas r’marqué quand elle a parlé à Arnaud?!
-A Arnaud? Non.
-Woaw l’autre eh! tsss. T’façon elle fait pareil quand elle te parle, elle est toujours d’accord avec c’que tu proposes, même quand tu dis d’la merde, elle s’affiche avec tous les mecs c’te meuf, elle aime se ficha »
Peut s’employer aussi à la forme moins passive dans se faire ficha: on s’affiche par l’intermédiaire de l’action d’une autre personne dont l’objectif est de t’afficher, ou pas, le hasard des résultats d’une action pouvant toujours s’inviter, on lui en voudra pas,
– « comment j’me suis ficha au concert pour le Téléthon.. ’reusement qu’t’es pas v’nue Mam’, j’aurais eu trop la honte. Déjà là, j’te dis pas c’que j’vais prendre mercerdi quand j’vais m’pointer à l’orchestre.
– i t’a dit quoi François dans la voiture?
-chu partie toute seule en métro juste après l’rappel, tu crois quoi? qu’en plus j’allais me faire ficha en privé? C’est bon là, »
+ Quelques vidéos youtube titrées avec deux meufs aux puces de clignancourt (Porte de StOuen -Paris18e- Seine StDenis) ou qui se ficha toute seul j’en mets une:
http://www.youtube.com/watch?v=Z0ybv4LTMdw
http://leconjugueur.lefigaro.fr/conjugaison/verbe/ficher_feminin-pronominal.html
Bibi ; J’avais repéré le truc sur le tournage de Entre les murs, en 2007. Donc c’est pa si vieux, et c’est surtout très répandu. Comme le montre ce dossier très fourni.
« intuitif »
(Cédric)
Alors que je ne me remets pas du « créateur de sushis » dans la pub, arrêt tout à l’heure sur une pub pour un blush intuitif qui s’adapte parfaitement à la carnation de la peau. Le mot intuitif est courant et ancien dans certains domaines comme la téléphonie ou l’automobile, il est très lié aux innovations (cf l’écriture intuitive dans les sms, la voiture intuitive dont les phrases s’allument dès que la luminosité baisse) mais les cosmétiques intuitifs ça j’avais encore jamais vus.
Bibi : pas du tout aperçu, mais intéressant. Affaire à suivre, je sens que ça va devenir un tube.
« Pro actif / proactif »
(Yeux bleus)
Tu ne te contentes pas de bien faire ton travail, tu prends des initiatives de folie, tu es « force de proposition », tu fais avancer ton entreprise par ta seule « force de conviction » et ton « charisme »
les conséquences du boulot :
le « burn out », trop travailler, a succédé à « stress au travail » le mot stress ayant été sur-utilisé, mis à toutes les sauces, et ayant perdu de sa force
le fameux « concilier vie familiale et vie professionnelle » pas nouveau je sais mais ça me fait plaisir de le citer, toujours destiné uniquement aux femmes même au 21eme siècle, rien ne bouge
Bibi : il me semble –mais je suis loin de l’épicentre de l’usage de ce lexique- que pro actif est déjà un peu retombé. D’ailleurs ne l’écrirait-on pas proactif?
« schizophrène »
(Anne-laure 14/09/12)
Issu du langage psy, et qui se retrouve souvent dans les débats politiques : schizophrène.
On l’utilise allègrement pour exprimer l’idée qu’un système est ambivalent. Exemple réel trouvé dans un article en ligne : la gauche a des choses à proposer sur l’économie, mais elle est schizophrène sur les questions éthiques.
Les mecs qui utilisent ce mot sont contents, ça choque, ça fait peur. On pense au schizo avec son sabre de samouraï. Sauf que si la schizophrènie ne se définissait que par l’ambivalence, ça se saurait.
Bibi : très vrai, mais je ne crois pas que ça ait vocation à faire peur. A dénoncer, éventuellement, mais pas à effrayer. Notamment lorsqu’il est utilisé dans des contextes moins conflictuels que dans le débat politique. « Il est marié et en même temps il voudrait être libre de son temps, ça crée une espèce de schizophrénie »
En tout cas, fait de langue qui ne faiblit pas (depuis trois ou quatre ans?)
Parfois certains lui substituent bipolaire. Pour faire les malins?
« Vertueux »
Mot utilisé dans de nombreux discours afin de montrer que sa stratégie, sa logique est bonne… pour tout le monde. Par exemple: « notre entreprise va s’inscrire dans un processus vertueux », « une démarche vertueuse pour l’environnement », « une politique vertueuse » etc. On l’entend partout !
Bibi : et je note la vogue, dans la business langue, d’une expression que je ne déteste pas : cercle vertueux, par opposition à cercle vicieux
Sans doute à lier au fameux gagnant-gagnant
Cercle vertueux
(Josefina de la Laguna)
Segolène l’a fait rentrer dans la cour des expressions quasi religieuses entrainant derrière elle (l’expression, pas Ségolène) une béatification dans l’effort. Ceci dit la dynamique positive et volontariste n’est pas mauvaise mais elle implique un petit quelque chose de laborieux et presque besogneux. Ça a été beaucoup repris chez certains sous-chefs et chefs pour galvaniser leurs équipes dans mon entourage.
Bibi : on l’entend beaucoup sur BFM, ma radio préférée. Langue de management.
« Visible »
(Acratie)
Minorité visible désigne une minorité de personnes reconnaissable en particulier à leur couleur de peau.
Être visible est souvent entendu dans les groupes qui veulent faire circuler des idées ou recruter des adhérents. Plutôt que être entendus ou être compris, on dit être visible.
Être visible sur facebook, sur le net…
Être visible en acquérant un statut social grâce à la téléréalité ou en l’utilisant comme tremplin ou pour relancer une carrière, se faire des thunes…
Être visible préoccupent les personnes publiques dont le gagne-pain et l’influence dépendent souvent de la visibilité mais tout autant le pékin moyen quand la possibilité lui en est donnée.
Au contraire, le Comité invisible (auteur de l’Insurrection qui vient) fait reposer son existence sur son invisibilité, tout comme d’autres groupes plus ou moins clandestins. A défaut de démanteler ces groupes, l’état tente alors de les rendre visibles (voir Tarnac et pour s’en convaincre lire « Tarnac, magasin general” de David Dufresne).
Bibi : je rebondis sur invisible, grosse poussée depuis trios ou quatre ans –en fait, depuis la parution de cette somme d’études sociologiques sur une néo-marginalité faite de détresses inaperçues.
Depuis, mention automatique dès qu’on parle de ceux qu’on nommait jadis les laissés-pour-compte. Aujourd’hui dans Libé, Stora parle des immigrés algériens de l’après-guerre comme d’invisibles. Bientot sort un docu sur des homos cachés, et ça s’appelle Les invisibles.
Je note aussi la montée en puissance de la notion de visibilité : cet artiste a mis longtemps a acquérir une visibilité.
Les marginaux sont des invisibles, les gens célebres sont visibles. C’est logique.
« What Milliards »
(Shasheer)
Pour exprimer sa sideration-plaisir devant un grand nombre de mecs et meufs a draguer sur la plage, un grand nombre d’appli on touch à télécharger, un grand nombre de rangs d’échalotes a déterrer.
Il importe moins de décompter vraiment des milliards de mecs, nanas ou endroits que de marquer la chance qu’on a de vivre ça.
Entendu dans la bouche d’Agathe Lecaron du grand morning d’rtl2. Elle animait le moment de jeu type blind test et elle l’a employé pour illustrer le nombre de cadeaux a gagner. Qu’agathe l’empoie n’est pas forcément signe de déjà-ringuardise car elle a ajoute le bien crispant « comme disent les d’jeun’s « -Avec le what milliards de smile qu’il t’a glissé t’es pas sur d’avoir pecho? – what milliards d’années qu’on s’connait, depuis la troisième, elle me largue le jour de mes 17ans, je le crois pas -sur cen moi je vous retrouve dès le 26 août avec what milliards de cadeaux, d’ici la prenez soin de vous – faire tous les festivals qui touchent plus ou moins a la BD? Encore what milliards de questions a la con a me fader, j’suis plus trop sûr. -Nous partimes cinq cents mais par un prompt renfort nous nous vimes what milliards en arrivant au port.
Bibi : Ça c’est ce qu’on appelle des exemples convaincants. Là encore, je l’ai peu entendu. J’aime beaucoup, au passage.
« Zapper »
Sérieux, il faut inventer un mot pour remplacer Zapper qui risque d’être retoqué pour obsolescence alors qu’on l’entend tous les jours. Ce serait le nom du geste qu’on pratique sur les ipad pour faire glisser les pages, à ma connaissance on dit aujourd’hui « geste » ou « saisie tactile », est-ce que quelqu’un connait un autre mot ? On emploierait ce mot à la place de zapper dans les exemples suivants :
« Simon il écoute rien, y zappe, il écoute p’t’êt deux phrases et y zappe. D’toutes façons y zappent tous les mômes. »
Plutôt que de parler de difficultés de concentration, d’écoute, ou de se demander si Simon n’envoie pas le signe d’un ennui profond, on dit qu’il zappe. Rien à ajouter, il est sous-entendu que c’est la télé qui est coupable. Avec notre nouveau mot, c’est les ordinateurs qui le seraient, ce serait plus actuel.
« Putain j’ai complètement zappé la réunion et c’est moi qu’avais les clés ! »
« Simon quand il écrit il zappe un mot sur trois, aucun sens au final. »
Oublié
“Tu zappes tout le temps, j’comprends rien ce que tu racontes »
Tu passes du coq à l’âne.
Bibi : une autre extension, moins lourde d’idéologie, du mot : il m’a zappé. J’étais en train de lui parler et d’un coup il m’a complètement zappé. Finalement pas si éloigné de : il m’a mis un vent.
« zlataner »
(Hélène)
je le comprends comme « être performant », vient des « guignols de l’info » parait,formé sur le nom de l’attaquant du PSG (tout le monde sait), « comme t’as zlatané ! « , se dirait à propos d’un geste sportif, possibilité de l’étendre à d’autres domaines, vie professionnelle par exemple, équivalent de « t’as assuré » hier.
Bibi : ça c’est du tout frais. Ibrahimovic entre donc dans le cercle fermé des joueurs de foot sur qui on a construit un nom commun (une papinade, une madjer, et sinon?)
Des expressions
« avoir le swagg »
(Acratie)
Employé par Audrey Diwan dans l’émission ça balance à Paris (j’ai oublié à propos de quoi). J’ai compris que c’est faire preuve d’une certaine assurance, d’une certaine classe, tout en restant assez désinvolte.
Ce qu’en dit le blog swagg-génération 2012:
Swag : manière dont vous vous comportez. Le Swag est constitué de votre confiance générale, de votre style, et de votre attitude. Le Swag peut également être étendu à la réputation de votre « arrogance » globale. Vous devenez Swag, ou « Swag up », en effectuant des « actions Swag » dignes d’améliorer cette perception. Une personne peut aussi « Swag down », en se comportant mal et recueillant des jugements négatifs.
Ainsi, Le Swag est une chose subtile que beaucoup s’efforcent d’avoir mais que peu possèdent réellement. Il est réservé aux personnes les plus « Swagalicious ». Le Swag peut aussi être quantifié avec des systèmes de points existant dans certains cercles d’amis.
Bibi : Un Rizzani venu de l’espace. Ou de Chine. Suis dépassé.
« Ca passe crème »
(Camille)
C’est une expression apparemment utilisée par les 15 – 20 ans qui signifie que ça le fait, que ça passe bien, que c’est impeccable. On l’emploie lorsque l’on apprécie tellement quelque chose que l’on est content que ça arrive à ce moment précis. Ex: j’ai soif, cette 1664 elle passe crème. Expression très présente dans les chansons de rap.
Bibi : là j’entrevois tangiblement ce que j’ai toujours su théoriquement que signifiait vieillir. Non seulement je ne l’ai pas repérée, mais je ne l’ai pas entendue. Du tout. Jamais. Il faut dire que j’écoute peu de rap français.
« ça m’fout l’seum«
(Acratie))
Ça m’énerve, ça me fout les nerfs
J’me suis fait tirer mon ipod putain ça m’fout l’seum
J’ai raté l’bus, trop l’seum
J’peux rien faire, j’ai l’dos pété, ça m’fout trop l’seum
On a aussi une version déprime, suffit de reprendre les mêmes exemples sur un ton plaintif
Viendrait du mot arabe « semm » : venin (selon le gratuit 20 minutes)
Bibi : pas si nouveau, je l’avais repéré dans l’Esquive (2005) et je crois chez mes élèves (avant 2005, donc). Je l’entends depuis quelques années dans ds bouches tout à fait bourgeoises et civilisées. Exemple de circulation bas-haut, prolo-bourgeois.
« Calculer » (expressions dérivées de)
(Acratie)
je le calcule/je le calcule pas J’ai un doute car je crois que l’un n’est pas exactement l’inverse de l’autre.
Je le calcule ce mec : je le connais, au sens je sais ce qu’il a derrière la tête, j’ai compris ce qu’il magouille. Et l’autre, on dit
qu’ il se fait calculer.
Lui il est là mais je le calcule pas: il n’existe pas, je l’ignore.
Alors que ça devait signifier je le comprends pas, je le sens pas.
Bibi : Bel exemple de flou syntaxique. L’oral est terriblement revêche à la syntaxe, c’est son charme libertaire.
Dans le sens affirmatif, il me semble que l’expression n’est pas nouvelle. Dans le sens négatif, beaucoup plus récente. Je l’ai croisé dans le métro, je lui ai dit bonjour, il m’a même pas calculé. A ce titre, on peut l’estampiller FLC.
« Changement de paradigme »
(Charles)
Utilisé dans le monde universitaire mais surtout par les experts en tous genres qui s’expriment dans les médias comme Dominique Reynié ou Barbier (c’est une expression très « c-dans-l’air ») et dont l’usage relève du plus pur snobisme. En effet, l’expression est le plus souvent utilisée pour exprimer un changement profond, un bouleversement.
Ex : vers un changement de paradigme en économie? (suite à la crise)
Bibi : Il se trouve que j’utilise pas mal paradigme. J’aime bien, ça dit un truc, ça dit qu’une pensée est d’abord un champ lexical (paradigme est un terme de linguistique). Utilisé dans C dans l’air, je crois que ça veut tout simplement dire « mode de pensée ». En quoi il est assez interchangeable avec le « logiciel » qui fit des ravages il y a quelques années : la gauche doit changer de logiciel. Ou : la justice sociale ne fait pas partie du logiciel de la droite. En même temps il n’est pas inopportun de parler en ces termes. Ca dit bien une sorte d’automatisme de la pensée.
Hier une mélenchoniste me dit : sur l’écologie Mélenchon a su changer de paradigme. Et là ça prend tout son sens, puisque l’animal est passé de l’idéologie productiviste à l’écologie politique.
« Compris dans l’épaisseur du trait »
(Wombat)
Expression typique dans les grandes entreprises style Micromou, EDeffe et consorts : « compris dans l’épaisseur du trait », locution magique qui permet une productivité infinie.
Exemple : Votre boss : t’as 3 jours pour me faire ca
Vous : mais y’a 2 jours feriés et je vais devoir envoyer des mails à la moitié de la boîte
Votre boss : c’est pas grave, c’est compris dans l’épaisseur du trait
Bibi : immense. FLC d’or, à ce jour. Mériterait de donner un titre de film, voire de film. Compris dans l’épaisseur du trait. Quel est le genie qui a inventé ça? Wombat, on veut une enquête.
« être op »
(Shash)
A prononcer O.P. sinon ça donne hop, t’es repéré tonton jeanmi de la soirée
Selon la situation – et l’âge des protagonistes ? – cela peut signifier, comme jadis, que t opérationnel, en mode top départ, ready to go now sans souci à ce qui est proposé
Ça peut aussi signifier que t le premier sur un post, celui qui initie une discut’sur un forum, que t’es l’opérateur d’un truc, le chef-op en quelque sorte, ou encore qu’un serveur, une playlist sur deezer, une personne est accessible, open peer, ouverte au partage un peu, donnant ainsi un coup de jeune au elle est open des quadra-quinqua, un coup de ripolinage dirait mamie jeanine.
– arthur mixe au showroom ce soir, t op ?
– comment faire sa candidature pour être op sur le serveur ?
– notre team a créé un logiciel qui permet de devenir op sur n’importe quel serveur (telle version) nous travaillons encore dessus, je vous mets le lien
– … faire croire qu’il est possible de devenir OP sur un serveur sans les droits…
http://www.mtxserv.fr/article/50/etre-op-sur-le-serveur
– pour en revenir à ce que dit l’op de ce fil de discussion
Bibi : Il faut ajouter la date décisive de la vie de ce FLC : De rouille et d’os, au printemps 2012. C’est par cette formule sms que l’handicapée Cotillard signale à son sauveur qu’elle est dispo pour baiser, ou demande s’il l’est, ou les deux, ou le second impliquant l’autre. Il me semble me souvenir qu’elle écrit : opé. Mais je ne suis plus si sûr.
C’est dans ce sens de disponibilité sexuelle que je l’entends le plus souvent.
«
« J’achète. »
(Bibi)
Dans le sens de : je prends, j’approuve. Très pratiqué en entreprise, et par exemple dans le culturel.
-Je me disais qu’on pourrait changer la fin du scénario : le héros se casse à Londres pour une nouvelle vie.
-J’achète !
Le négatif existe aussi :
-Les réunions à 10H du mat’, moi j’achète pas.
Repéré depuis une petite année. Pas encore si développé. Déjà mort ou en devenir ?
« j’ai un métier »
(Yeux bleus)
Il est 16h30, tes collègues viennent te chercher à ton bureau pour aller boire le café.
Toi tu fais semblant de refuser, « j’ai un métier », style je suis overbooké.
Tes collègues sourient (ou pas) à ta vanne, tu te lèves, direction la machine à café.
Bibi : Je prends. L’oflc n’est pour l’instant pas très performant sur les expressions, en voilà une, et je l’aime beaucoup. Ca c’est de l’humour contemporain.
Je dirais même : américain. Suis sur de l’origine américaine de ce truc tellement c’est fort. Genre sorry I have a job.
Je note au passage un OFLC que j’aime bien dans le récit : style. J’ai fait style j’étais pas au courant.
« j’me rip«
(Slash)
A priori c un peu comme j’me barre, j’me casse, j’me tire, j’m’en vais, j’vais voir ailleurs
J’me rip ça scande l’oral c rythmique
Bibi : jamais entendu. Je subodore que c’est l’écourtement d’un verlan, mais je ne vois pas.
Est-on sur qu’il n y a pas de E au bout.
« Je valide »
(Acratie)
A l’origine on valide à la suite d’une procédure, après une série de vérifications ou d’évaluations. La validation se veut scientifique, du moins sérieuse, elle rend un résultat indiscutable. la validation en informatique rend l’expression familière et étend peu à peu son usage. Trouvé sur le net : Le terme « je valide » est une expression en référence au jeu La Cible ( France2), où quand tu zappais le midi tu tombais sur un mec devant un pupitre qui te dit « Avion, Chouette, Alain Madelin, Cheeseburger… Je valide ». En FLC, je valide signifie je confirme, je suis d’accord. Quelle que soit la situation je valide donne du poids à un avis:
– Tu crois que j’pourrai porter c’pull sans sous-tif ?
– Ouuuais! je valide.
– Putain Thomas il est relou à mater tout l’temps là !
– Je valide…
– J’appelle Stef et j’te valide pour demain.
Extrait de La cartomancienne
Fred : Le chiffre 100 ?
Omar : Ouais…
Fred : C’est bon… Je valide.
Omar : Ouais, je donne le 200, ça valide ?
Fred : Ouais…
Omar : Je donne le 300, ça valide?
Fred : Ouais
Omar : Et je donne le … Oh putain… Je donne la… la dame de pique. Ça valide ou pas ?
Avec le son : http://www.youtube.com/watch?v=5EWNFo5Vo90
Bibi : Exposé très complet. A rapprocher de « j’achète », récemment consacré FLC
« Jusqu’ici tout va bien »
(Mama Casa)
L’utilisation de cette expression est à noter dans des situations extrêmes dont l’excessivité reste souvent individuelle : l’idée pourrait être que même quand la mouise fait assez consensus – genre sans domicile, maladie avancée, territoire en guerre, t’arrives encore à voir ce qui est cool, alors tu t’accroches au jusqu’ici/là tout va bien en gageant que quelque chose, un nano-truc, pourrait faire pencher la balance de l’équilibre précaire du ça va côté merdique, en deux temps/trois mouvements et tu souhaites à mort que ça va pas arriver, comme ici:
Dans les Bronzés font du ski, souvenons-nous:
à l’abri dans la chapelle, les filles (Balasko/Chazel) peuvent voir dans leur jusqu’ici tout va bien le fait que Jean Claude ne les considère pas encore comme définitivement perdus alors que celui-ci assez confiant avec l’idée que personne ne va venir les chercher, se voit déjà coucher avec les filles et enfin concrétiser durant ses sports d’hiver.
A 1’28 par là :
http://www.dailymotion.com/video/x7073b_le-ciel-les-oiseaux-et-ta-mere-3_fun#.UMRZeHbni5k
Peut-être une nuance sur l’idée + ou – vague de ce qui pourrait arriver et changer la donne?
Est annoncé un événement, on l’attend -> jusqu’ici
Rien n’est annoncé, rien n’est nommé mais on pressent quelquechose -> jusque là
Ou l’inverse, je sais pas.
Bibi : je ne peux que saluer le boulot. Expression médiatisée par La haine, qui donna une aura nationale à la blague du belge qui descend en parachute –jusqu’ici tout va bien-, puis finit par decider de sauter à 10 mètres du sol, puisque de cette hauteur il ne se fera pas mal.
« mettre une disquette »
(Camille)
Mettre une disquette à quelqu’un signifie réussir à se jouer de quelqu’un en lui faisant avaler n’importe quoi (ex: je lui ai mis une disquette, je lui ai dit que j’allais faire mes devoirs alors que je vais jouer aux jeux vidéo). Expression de Dylan Dugommier à son frère Brandon.
Bibi : Repérée dans Secret Story, mais je n’avais pas compris l’expression. Merci pour ça. Double étrangeté : d’abord la ressortie de cet objet complètement dépassé depuis dix ans, par des jeunes qui l’ont à peine connu, et ensuite le rapport entre l’objet et le sens de l’expression. C’est d’autant plus savoureux
« On n’est pas dans le monde des bisounours »
Sens : bon là faut arrêter de rêver ou de délirer, dans la vraie vie ça ne passe pas comme ça, en bref « tu vas en baver »…
Bibi : à un moment, « on n’est pas dans casimir » a essayé de lutter, mais les Bisounours ont gagné
« péter un câble »
(Roccokeum)
Pour les techniciens du groupe suez quand ils sont d’astreinte, c’est l’info de départ qui parfois les mène plusieurs jours en dépannage sur le terrain avec grosses pressions -groupes électrogènes de secours ou pas- de ses braves usagers mais pour les non techniciens de chez suez, cela peut être pour décrire l’emballement, l’énervement ou la colère d’une personne.
Épistémologiquement, cela pourrait avoir succédé au péter une durite (secteur mécanique déjà et secteur de la transmission de puissances donc) en passant par le péter un boulon (secteur de l’assemblage industriel, de la fixation mécanique)
Il apparaît ainsi assez clairement un détournement du sens utilitaire et technique-diagnostic d’un dysfonctionnement qui dans la plupart des cas, chez les professionnels, peut péter les couilles, expression elle-même imagée qui oblige à faire un pas de côté auquel l’auteur de ce post ne cédera pas car il ne saurait plus de quoi il parle.
Bibi : à lier à « partir en vrille », gros succès ces dernières années, même s’il peut concerner une évolution plus longue. (exemple : c’est à partir du moment où il a emménagé à Paris qu’il a commencé à partir en vrille –ici on entrevoit une déliquescence d’un certain type (alcool, mauvaises fréquentations, laisser-aller) qui nous éloigne du paradigme de la colère convoqué par péter un câble.
Sur cette expression, notons qu’elle profile souvent un excès possible mais pas atteint : j’ai failli péter un câble ; j’te jure je vais finir par péter un câble. Promesses, promesses.
« Pris en otage.«
(Delphine)
« Pris en otage » peut signifier, dans un sens figuré, que des personnes présentent les choses de telle sorte que l’on ne puisse qu’adhérer, entrer dans leur jeu. A rapprocher de « être mis devant le fait accompli.
Dans le domaine littéraire ou cinématographique, il arrive qu’un écrivain ou un réalisateur s’arrange pour que le lecteur ou le spectateur soit automatiquement ému par l’histoire qu’il raconte, et n’ait d’autre choix que d’apprécier le livre ou le film.
Par exemple, un jour que j’avais lu un livre de Marc Lévy, je m’étais dit que l’histoire passait bien, mais qu’il « prenait son lecteur en otage » , en décrivant de manière spectaculaire des scènes insoutenables (il était question de la torture en Argentine pendant la période de dictature). Le lecteur ne pouvait qu’être en empathie avec les personnages, qu’adhérer, qu’être ému en refermant le livre.
Bibi : j’utilise souvent cette expression, et précisément dans ce sens. Peut-être un peu trop, ou du moins faudrait-il a chaque fois préciser qu’on est jamais pris au piège par un film : toujours libre de partir ou de ne pas être là –contrairement à pas mal d’otages. Bref le rapport de forces avec l’œuvre est toujours en ma faveur.
« Prise de risque«
(Shash)
Dalle Béatrice a superbement réactivé ce rizzani, hier sur le plateau du grand journal:
Un de leurs chroniqueurs aborde quatre des acteurs de les rencontres après minuit en leur adressant une question qui démarre genre: « dans vos films, vous aimez la prise de risque et vous nous…. » CUT DELICAT de Béatrice : « Quand on fait la guerre on prend des risques, pas quand on fait du cinéma » Béatrice, je t’embrasse avec le bout de langue entre tes deux incisives oui.
Bibi : Béatrice est une matérialiste : elle ne se raconte pas d’histoires. Elle ne se paye pas de mots.
« Que du bonheur»
(Cathy)
Expression clé en main, bloc de trois mots exprimant soit, au premier degré, un plaisir parfait un peu naïf ou, au second degré, un ratage total; accessoirement, est le titre d’un programme court de 2008 de la chaîne TF1.
Exemple n°1 : « Jeudi soir, il faisait beau, j’ai retrouvé Raph’ à Lostmarch pour surfer un peu après le boulot. L’eau était bonne, les vagues juste parfaites. On a glissé jusqu’à la tombée de la nuit. Que du bonheur. »
Exemple n°2 : « Cette semaine, ce ne fut que du bonheur, Margaux a eu une conjonctivite, Sylvain s’est bloqué le dos en installant la nouvelle chaudière et j’ai appris que je me faisais inspecter jeudi prochain. »
Bibi : ne pas oublier de mentionner les premiers usagers de cette expression, et de loin : les sportifs. Après une victoire. Alors Teddy, ce titre olympique ? C’est que du bonheur. A presque égalé le “je realise pas encore”.