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OFLC : Les faits d’oralité

L’ Observatoire des Faits de Langue Contemporains vise à recenser les mots et expressions qui envahissent le discours contemporain. Chacun peut contribuer en se reportant à cette page : le pourquoi-comment de l’OFLC

Famille 1 : Les Dugommier

Mots ou groupes de mots dont la valeur sémantique est secondaire, occultée, recouverte ; mots rythmiques propres à scander l’oralité, à la soutenir, à meubler ses blancs, à maintenir le flux là où le verbe peine. Multipliée, la pratique devient réflexe, automatisme, tic.

A) Les Valérie Dugommier

« A l’arrache »

(Acratie)

Entendu dans le tramway à la sortie du lycée : « …n’importe quoi, j’ai fini ce matin à l’arrache avec les feuilles à Morgane… »
Vient probablement de à l’arraché comme dans une « victoire à l’arraché », qui a demandé un effort. Sous-entend un effort constant et une qualité de jeu. Conserve ce sens là mais je crois qu’il a aussi acquis des nuances:
– vite fait : j’ai fait ma valise à l’arrache …
– in extremis : … et j’ai eu mon train à l’arrache
A l’arrache peut devenir le contraire de à l’arraché puisque « …n’importe quoi, j’ai fini ce matin à l’arrache avec les feuilles à Morgane… » signifie que celui qui parle a pompé le devoir vite fait, donc on peut supposer sans effort (si ce n’est qu’il a dû stresser, mais c’est pas le même effort).
A l’arrache : négligence (vite fait)  / A l’arraché: puissance (de justesse)
Bibi : du coté de Paris, à l’arrache est surtout utilisé, depuis une décennie, dans le sens de : dans la précipitation. Ou : dans l’urgence. « Je suis à l’arrache » signifie que je manque tellement de temps que je suis au bord de tout foirer, que je fais tout en beaucoup moins de temps qu’il n’en faudrait. Equivalent : « je suis sous l’eau » (lointain cousin métaphorique de « Je suis débordé » = je suis tellement débordé que me voilà sous l’eau. Grande logique de l’oral, parfois.)

« À la base »

(Fleur 14/09/12)

À la base on était d’accord. À la base il est pas comme ça, Fred.

Bibi : Fred il a bien changé. Il sort avec Valérie Pécresse. Alors qu’à la base il sortait avec Marisol Touraine.

« allo »

(Acratie)

Est-ce qu’on assiste à la naissance d’un nouveau fait de langue avec: « Nan mais allô quoi » ?
In extenso : « Allo quoi, nan mais allô quoi, t’es une fille et t’as pas de shampooing ? C’est comme si je te dis : ‘t’es une fille et t’as pas de cheveux ». D’abord dans « les Anges de la téléréalité », puis buzz sur le net, en boucle sur Rire et chansons et hier soir au troquet vers 23h dans la vraie vie.
« Nan mais allô quoi, y veut même pas m’payer un coup !  »
Est-ce que ça va tenir ? Ça marche bien avec le geste et l’air outré.

Bibi : c’est une sorte de tsunami. En une semaine, j’ai du l’entendre dire une vingtaine de fois. Une amie prof me dit que les élèves n’arretent pas. C’est du FLC qui mériterait d’etre rehaussé en PLC:  phénomène de langue contemporain.

« à mort »

(mum omama)

Dans la séquence qui concerne ce film au Cercle, l’une des chroniqueuses emploie à mort dans « j’opine à mort« .
Sans doute que à mort a remplacé à fond (années 80) contemporain de à donf (depuis ces mêmes années 80) selon la souplesse, le bien-être de chacun avec le verlan. Peut-être par tous ceux qui font toujours tout en + mieux + fort que les autres (dont moi dans les très rares moments où je m’enthousiasme)
Mais bizarrement rarement employé sous la forme je suis à mort contrairement aux deux autres formes sus-citées donc à mort ça pourrait juste dire énormément, exagérément, comme un fou comme dans:
-la mama-mum, elle bloque à mort sur begaudeau,info cet après-midi
-j’avoue,
-t’inquiètes.

Bibi : je pense que la diachronie est inexacte : le « à mort » existe depuis au moins aussi longtemps que les deux autres. Notamment dans : je lui en veux à mort. Il est vrai que là l’expression restait presque littérale (je lui en veux au point de le tuer) et qu’elle n’est devenue un Dugommier (le lexique totalement détournée de son sens par l’usage oral) que plus tard : t’es content ? à mort! (le type n’est pas en train de signifier qu’il compte se tirer une balle tellement il est heureux). L’occurrence relevée dans le Cercle est une preuve absolue de la contemporanéité de l’expression, puisque le Cercle est à la pointe du langage.

« À toute »

(Anne-Laure 14/09/12)

Du côté des trentenaires de Montreuil sous bois de classe moyenne :
A la fin d’une conversation téléphonique on ne se dit pas plus « à plus » comme chez les quarantenaires, on se dit « à toute ».
Ceci laisse alors les quarantenaires dans une angoisse stuporeuse. À toute ? Cela signifie qu’on se voit toute à l’heure donc ? Ou tout de suite ? Mais je n’avais pas prévu ça , je n’avais pas compris…
Le quarantenaire est assez terre à terre.Il ne sait pas qu’à l’heure d’internet et du iphone 5 il y a une réduction considérable de l’ espace-temps.Il ne sait qu’il peut partir sur la lune en gardant un contact permanent avec un habitant de Montreuil sous bois.

 Complément Bibi : j’en suis encore au À plus, que je me souviens avoir vu apparaître à Saint-Michel en l’Herm, l’été 88. Mais on était en retard déjà.

La persistance du À plus est assez fascinante, surtout dans ma bouche raffinée.

« Après »

(Cédric 14/09/12)

Utiliser « après » dans le fil de la pensée plutôt donc pour marquer une opposition, une conséquence, un doute ou pour nuancer.

« Clairement ce blouson jaune il est canon, après je sais pas si je vais oser le mettre »
« Elle dit qu’elle s’en fout, après je suis pas sûr qu’elle soit honnête »
« Prendre un mi-temps ça serait un moindre mal après, financièrement, ça devient chaud. »

 Complément Bibi : en somme, ce « après » est mis pour « cela dit »

Je pense qu’on peut mentionner « derrière » qui se substitue à « ensuite »

« Je l’ai invitée à la pizzeria, et derrière on est allés acheter des capotes »

Ce qui me mène à « partis » qui se substitue à « allés » au sein d’un certain prolétariat peut-être un peu banlieusard

Très fréquent dans les récits de la radio libre de skyrock : « on est partis chez ma soeur, et derrière on est partis à la piscine »

« Je crois que, bon… »

(Acratie)

Entendu à l’apéro y a pas 5 minutes: « Je crois que, bon… pour la suite on a plusieurs hypothèses ».
Avant le « bon », je pense que ce copain va me dire ce qu’il croit, lui (« je crois que… »). Le « bon » lui sert à revenir sur ce qu’il allait dire pour ouvrir sur plusieurs hypothèses qui ne sont pas toutes les siennes. Il fait une pause avant le « bon », une autre après. Le temps de mettre de l’ordre ?
Le bon ressemble-t-il au bref ?
Bibi : et qui c’est le spécialiste mondial? c’est l’ami Jacques
http://www.dailymotion.com/video/x8rwa0_sine-hebdo-jacques-ranciere-et-le-c_news
je crois d’ailleurs que j’ai pris le pli, on est peu de choses

Jacques est également triple champion du monde du disons.

« ça, c’est fait »

(Lapin2fois)

« Ca, c’est fait » : se dit d’une action attendue ou crainte qui vient de se produire, et que l’on coche mentalement. Exemple 1 :   » – Qui veut un verre de whisky ?   – Juste un doigt alors » Là vous attendez un peu, et invariablement, quelqu »un dira « – Tu veux pas un whisky d »abord ? » Vous répondrez tout aussi invariablement « – La blague éculée, c »est fait. On passe à l »apéro ? »

 « C’est propre »

(Charles)

Je l’entends de plus en plus dans mon entourage (des vingtenaires), il est employé un peu à toutes les sauces et le sens peut varier en fonction de la phrase. On l’utilise en général pour souligner la radicalité, le caractère extrême d’un fait (c’est propre au sens de « clair et net »).
Ex : « t’as enchaîné ton exam du barreau avec celui de finance, c’est propre » « j’ai eu 30 min de retard à cause du rer, c’est propre »

Bibi : j’apprends donc que je n’ai pas 20 ans, contre toute attente. Jamais entendu, mais confiance totale dans ton témoignage.

« Du coup »

(Fleur 14/09/12)

Des exemples de la vraie vie Cedric donc. Un Dugommier avec Du coup ? Supposé remplacer Par conséquent : « il a eu peur du coup il s’est abstenu » mais s’est éloigné de ce sens-là puisque on peut le trouver sans qu’il ne s’oppose à rien : « du coup on y va ou pas » ?

Complément Bibi : Répertorié dans un mauvais roman de 2011. Il me semble que c’est en voie d’extinction.

« Du coup »

(Acratie 16/09/12)

Il y a peu on me reproche de dire tout le temps « du coup ». Paraît que c’est … manipulateur. Parce que c’est comme « par conséquent » mais en plus rythmé, du coup l’interlocuteur prend la conséquence au vol, il est soumis à l’évidence de l’enchaînement des faits et reste muet.  Alors que l’enchaînement dont on en parle est assez flou.

« Je suis sorti tard du boulot, du coup j’ai pas fait les courses, tout était fermé » : là, incontestablement il y a cause à effet (dans le 85 hors saison).
« Je mettais pas de notes l’an dernier et les parents m’ont mis une pression dingue, du coup cette année, je mets des notes » : là c’est moins flagrant. On peut considérer que ne pas mettre de notes résulte d’une réflexion bien menée sur l’inutilité absolue de ce truc, donc aucunement être remis en cause par une pression extérieure.
« Y avait 50% sur le dernier Olivier Adam du coup j’en ai pris trois » no comment
« Au Chat noir, ils faisaient le troisième mojito gratuit, du coup j’ai pas vu le temps passer » ou sa variante plus honnête : « du coup j’suis bourrée » On peut dire que c’est pas parce que c’est gratuit qu’on est forcé de boire comme le laisse penser le raccourci « du coup ».
Même chose vers 4h du mat’ pour  « Sophie m’a invité à dîner, j’savais pas comment refuser, du coup ça fait chier j’suis crevé et j’bosse demain aux aurores » (ou plus honnête « du coup j’ai dit oui »)
Dans ces cas-là, si on remplace « du coup » par « par conséquent », je crois en effet que l’interlocuteur repère plus facilement qu’il n’y a en réalité aucune conséquence réelle entre les faits, ce que masque l’emploi de « du coup ».

Bibi : du coup est en fait souvent utilisé comme un « ensuite ». Il pose la succession entre deux actions, plutôt que leur corrélation.

Une amie me disait hier qu’elle l’entendait beaucoup dans le milieu de l’archi. Elle va peut-etre nous préciser ça un de ces jours.

En tout cas il me semble que le du coup tient bon depuis quelques années.

« en fait »

(Sarahm, 11/09/12)

Tellement entendu qu’il est insupportable, dans la bouche d’autrui ou alors quand il nous échappe. Apparu dans les années 2000, et indéracinable, « en fait ».
Il sert la plupart du temps à combler un vide, à remplacer des mots que le locuteur n’a pas, ou encore à gagner du temps : il peut être utile aux commerciaux roublards « Combien ça coûte ? » « Alors, en fait…. », aux ignorants rusés « En quelle année est mort Napoléon ? » « Alors, en fait… » Laisse supposer que la réponse est plus complexe que la question posée et que l’auditeur doit s’attendre à un plus ample développement. Mais en général, il ne fait que camoufler, assez mal, le manque des connaissances appropriées.

Complément Bibi : ou la gêne orale. A ce titre il est une sorte d’élan qu’on se donne en attendant que les mots viennent. Très cousin, à ce titre, de « effectivement »

« en revanche »

(Manue avec impulsion de Pedri)

Alors que la tendance lourde de l’oral est d’abréger, là bizarrement, on se plaît à allonger… Cette expression, je l’ai souvent entendue chez des gens qui aiment la langue, la manient avec plaisir et sophistication. J’imagine que le plaisir d’utiliser « en revanche » ressemble un peu à celui de l’aristocrate du 18ème qui use de préciosités pour décrire les réalités mêmes les plus simples. Une manière de donner un peu de relief à une conversation trop banale : « Pas de dessert pour moi, en revanche, je prendrais bien un peu de fromage ». Une expression qui fleure bon le 18ème mais qui n’est pas du tout incompatible, la phrase d’après, avec quelques mots de verlan par exemple… l’essentiel étant pour ceux qui l’utilisent de jouer avec toutes les potentialités (et donc tous les registres de langage) qu’offre la langue française.

Petit point syntaxique : oui, le sens est le même. Mais apparemment, il y aurait une nuance d’usage : « par contre » introduit plutôt une info à valeur négative alors qu’ « en revanche » permet de rebondir avec une info positive :
Ok pour le 14, par contre je ne pourrai pas être là le 21.
Impossible pour moi le 14, en revanche je serai là le 21.

On verra ce qu’en dit le prof de français.

Bibi : Oui y a une poussée de « en revanche », depuis les années 2000

je m’y suis mis aussi, alors que pendant les 30 années précédentes j’avais du le prononcer deux fois, et encore était-il surement question d’un match retour de quart de finale de la coupe des coupes.

Et le prof de français multi-diplomé dit qu’il vient d’apprendre un truc sur par contre / en revanche.

« En tout état de cause »

(Camille)

Expression d’origine juridique signifiant « aussi bien en appel qu’en première instance ». Souvent utilisée solennellement, dans un contexte de débat, de polémique pour dire « quoi qu’il en soit » ou « dans tous les cas ». On l’entend beaucoup chez les politiques et les journalistes. Ex: Bertrand Delanoë évoquant les caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo: « En tout état de cause, il ne peut y avoir de limite à la liberté d’expression ». On l’utilise cette expression quand on veut dire quelque chose avec force.
Je l’ai repérée dans le Maine Libre, article sur 5 entreprises qui se mettent au vert: « En tout état de cause, ces 5 entreprises ont volontairement choisi de s’impliquer à un coût optimisé ». Ensuite, depuis les événements au Mali et en Algérie, je l’ai entendu ou lu à plusieurs reprises, notamment dans un article du Monde intitulé « Evitons un enlisement militaire au Mali et stabilisons durablement la situation au Sahel » en date du 17 janvier, notamment dans un communiqué du Quai d’Orsay: « en tout état de cause, il est recommandé à nos compatriotes résidant sur place de faire preuve de la plus extrême vigilance … ». Entendu aussi chez Gérard Longuet sur LCI le 17 janvier « en tout état de cause, c’est un objectif qui avait été préparé ». Dans un article du Nouvel Obs également: « L’Histoire jugera. En tout état de cause, dans cette première phase de frappe, comme tous les observateurs, elle a déjà jugé ».

Bibi : C’est un Dugommier spécial énarque. Appelons ça un Jean-Baptiste Dugommier. Les mecs savent qu’ils vont avoir, en politique ou en entreprise, souvent à parler sans pouvoir rien dire. Juste pour marquer une présence. La presence du chef. Donc là ils ont de gros besoins de Dugommier, de mots qui ne disent rien. Il s’agit là d’imposer une certaine autorité par le faste d’un verbe de notaire, de notable.

Dans le même genre, on a “un certain nombre”, et “effectivement”. Mais aussi mon préféré : toutes choses égales par ailleurs. Toutes choses égales par ailleurs peut précéder tout :

–       Toutes choses égales par ailleurs, l’intervention au Mali est nécessaire.

–       Toutes choses égales par ailleurs, je vais reprendre des moules.

« Entre guillemets »

(Acratie)

Pas nouveau, soit, mais l’expression est constamment employée, elle vient de l’écrit, passe à l’oral et même par le geste

Qu’y a-t-il à attendre des artistes ? qu’ils soient, entre guillemets, au premier rang de ceux qui inventent pour la joie et pour la fête. (Friedrich of course)
Ce gamin, plus personne sait quoi en faire, les psy, les éducs, les parents, tout le monde lâche et nous, on nous dit, j’ouvre les guillemets : à vous de jouer.

– pour indiquer le second degré
Je crois que c’est entre guillemets normal, à Noël, de ressentir de la compassion pour ses semblables.
Si votre fils continue dans cette voie c’est regrettable et je risque fort entre guillemets de l’buter c’bâtard (Isabelle Adjani)

– pour indiquer un sens inhabituel, pour exagérer, pour ironiser ou mettre une reserve : le karaoké, les jeux vidéo, les parodies font partie maintenant de la culture entre guillemets populaire. (france cul découvre l’eau tiède )
Je voudrais te parler de mon, entre guillemets, grand projet d’installation dans la Creuse.
Elle t’a plaqué sans boulot avec tes quatre mômes, d’accord, mais c’est pas la fin du monde, entre guillemets.
Elle t’a plaqué sans boulot avec tes quatre mômes, d’accord, mais c’est pas une raison pour aller, entre guillemets, enterrer ta joie dans la Creuse !

– pour indiquer, excuser un langage familier ou grossier
Elle n’est pas désagréable, mais entre guillemets plutôt chiante, vous comprenez ?

Parfois assorti du geste pour appuyer la parole, là c’est carrément l’écrit (air écriture) à la rescousse de l’oral.
A l’écrit comme à l’oral je crois que l’usage des guillemets permet de marquer une distance avec ce qui est exprimé, on ne s’attribue pas vraiment ce qu’on met entre guillemets, on ne le revendique pas. Pour l’interlocuteur, il y a donc une incertitude à la fois sur le sens de ce qui est mis entre guillemets mais aussi sur ce que pense réellement celui qui emploie l’expression.

Bibi : Geste à l’appui aussi (paires de doigts cassés à hauteur des joues), c’est un des gimmicks oraux de Dans la diagonale, avec « On va dire », qui a à sensiblement la même fonction.
Mais ça ne s’est pas perdu depuis.
Parmi tes exemples, les plus efficaces me semblent ceux qui marquent le coté euphémisant de la pratique.
Il l’a entre guillemets harcelée veut dire qu’il ne l’a pas vraiment harcelée mais quand même un peu (à rapprocher du “un peu” déjà répertorié).
Entre guillemets vient à la rescousse d’une langue qui ne trouve pas le mot juste, n’en trouve qu’un instantanément modalisé car jugé excessif.

 

« Genre »

(Joe Sweat 14/09/12)

Apparu chez les ados à la fin des années 2000 avec le sens de « par exemple » ou de « dans le genre de ». A cohabité un temps avec l’équivalent de la génération précédente qui était « style », l’a remplacé et a contaminé les parents.

Exemples : « J’aime bien me faire un petit bédo le soir genre quand je regarde un film » ou « Monsieur j’ai pas tout compris, on doit faire genre une dissertation en fait ».

La grande polysémie du mot contribue à sa popularité puisqu’on peut également l’employer pour qualifier ou pour cataloguer avec le sens de « à la manière de » ou de « sorte de » en y ajoutant une modalisation méliorative (rare) ou péjorative (fréquent). Il introduit presque la dimension analogique du « comme ». C’est aujourd’hui l’emploi préféré des ados pour imager la langue.

Exemples : « Nan mais t’as vu comment elle se la pète genre Miss Monde » ou « Laisse tomber ce mec c’est genre un gros bolos »  »

« Genre » a même gagné son galon de quasi pronom interrogatif marquant l’étonnement ou l’incrédulité mais interjectant parfois la moquerie, emploi proche du « n’importe quoi » ou de « portenawak »

Exemple :
« En vrai j’aime trop regarder des Walt Disney avec mes enfants »
– Genre !? »

Complément Bibi : Ce genre va au-delà de la polysémie : il est a-sémique (j’invente un mot) et c’est bien pour ça qu’on peut le manipuler comme on veut.
-et puis il arrêtait pas de me casser les couilles / genre quoi? / genre il coupait l’ordi quand j’étais dessus
-elle pourrait faire des conneries / genre suicide? / genre un peu ça oui
Là encore on se demande si y a pas de l’anglais là-dessous. A kind of abrégé en kind of. Utilisé en préposition puis seul.

« Il a pris cher »

(Acratie)

Encore actif mais fréquence en baisse chez les très jeunes.
= A subi une agression. Eventail très large : physique, verbale, par voie de presse, décision de justice…
– Putain ! Armstrong il prend cher…
– Le mec qui s’est interposé il a pris cher, il est à l’hosto.
Déchéance physique : maladie, vieillissement
– Y (je ne cite pas l’auteur connu) ? il a pris cher, trois désintox et il parle comme Y (je ne cite pas la chanteuse connue).
– Jusqu’en 2010 elle était canon mais là elle a vraiment pris cher.
Utilisation excessive d’un objet ou d’une personne.
– Max est sorti de taule hier. Après trois ans, sa femme, elle a pris cher.
– On a fait 400 bornes dans le désert, elle pris cher la caisse.
Attention, confusion possible : on peut entendre « prend cher » alors que le critique dit « le personnage du roman prend chair au cinéma ».

Bibi :Tu n’insistes peut-être pas assez sur l’usage trivial-sexuel de l’expression
« Elle va prendre cher » ne se dit pas que d’une femme de prisonnier libérée
Extension du fameux « tu vas prendre » glorifié par ce neuneu de Max Boublil. Est-ce parti de là? Sais pas.
http://www.dailymotion.com/video/x29djt_max-boublil-tu-va-prendre_fun

« In fine »

(Bibi)

Un Dugommier perçu sous des contrées sociales très éloignées du périmètre jeune.

FLC très en vogue à Rome au premier siècle, exhumé par les éditorialistes et les patrons en réunion ou interview. On suppose que « in fine » se dit beaucoup à HEC. A traduire par « en dernière instance », « au bout du compte », ou par le littéral « au final » qui fait encore des ravages ici et là. Mais comme c’est un Dugommier le sens importe moins que la scansion. C’est un impulseur de phrase (comme « on voit bien », ou « si vous voulez »)

“j’ai envie de dire”

(Perdri 18/09/12))

Marrant (dans le sens bizarre ou ça m’intrigue moi-même tiens) comme je sais pas pourquoi ceux qui l’emploient, l’emploient
Surtout employé après avoir dit.
Est-ce en remplacement de « entre guillemets »? (accompagné ou non du mime consensuel avec les doigts crochus, entre guillemets est, entre autres, déjà relevé par François)
Ou alors c’est employé pour anticiper un mot, une appréciation, un avis que l’émetteur sait d’emblée excessif, genre: là j’y vais avec le 3 tonnes mais je le sais, c’est volontaire

Bibi : oui, tendance indéniable

Avec variante : j’ai envie d’te dire

Effectivement coutume assez opaque, mais très plaisante

-je peux prendre 90 euros dans ton portefeuille?

-ben te gene pas, j’ai envie d’te dire

 

-tu crois qu’elle est open?

-écoute, je sais pas mais fonce, j’ai envie d’te dire, sinon on y est encore dans trois ans

(on voit que l’expression peut exprimer une mini-impatience ou exaspération)

« j’dis ça, j’dis rien »

(Anne-Laure)

Apparition récente dans le langage courant, après 2010 je pense.
L’origine serait télévisuelle que ça ne m’étonnerait pas. Il faut chercher du côté de canal plus (grosse influence canal plus ) sorti de la bouche de quelques comiques. Du côté du feuilleton H par exemple, plus ancien, mais le temps que ça se propage, un temps d’incubation. Sinon du côté du SAV d’Omar et Fred.
Plus vieille origine probable aussi du côté des spectacles comiques classiques (Desproges , Coluche…), voire des films Bourvil-De Funès.
En tous les cas, on l’a compris, c’ est un point comique.
A la base on utilise cette phrase pour démontrer qu’on a dit quelque chose d’important, à quoi les autres devraient prêter attention.
On joue au type qui dit quelque chose qui l’engage un peu trop et qui se retire pour se déresponsabiliser, le comique du froussard.
On encore le comique du laxiste, le type qui dit un truc important et qui s’en fout au final, genre démerdez-vous. C’est du second degré tout ça.
On utilise donc cette expression après avoir touché un sujet délicat.
Exemple : Avant de voir le patron tu ferais bien de fermer ta braguette. M’enfin moi j’dis ça, j’dis rien.
Ensuite, l’usage de plus en plus populaire en transforme le sens initial.
Ce matin, à Télématin, le chroniqueur musique, Alex Machin, l’a utilisé après avoir raconté que le présentateur d’une émission télé américaine était roux. Sauf qu’en fait on s’en fout. Il aurait mieux fait de ne rien dire en effet.

Bibi : J’aime beaucoup cette analyse.

Et j’aime assez imaginer le mec de Télématin dire « on remarque que le présentateur est roux, enfin j’dis ça j’dis rien ». Moi ça m’amuse. Du reste je pense que c’est une allusion à l’immense William Leymergie, qui jadis fut roux et sympa, avant de devenir grisâtre et étrangleur

Non, ce qui me consterne davantage c’est qu’on puisse regarder Télématin plutôt que la Matinale de Canal.

Consternation adoucie par le constat qu’Anne-Laure parle chaque jour davantage de cul dans ses posts. Enfin j’dis ça j’dis rien.

« Je reviens vers vous »

(Cédric)

J’ai découvert depuis quelques mois le remplacement quasi systématique de « je vous contacte / appelle / écris » par un « je viens vers vous » . Dans le milieu professionnel, quand il y a un peu de sérieux, ça n’arrête pas de venir ou revenir.

(Peggy)

J’ai constaté aussi cette tournure dans mon milieu professionnel, aussi bien par écrit qu’à l’oral, et remarqué qu’elle n’introduit en règle générale rien d’agréable, et ce d’autant plus pour « je reviens vers vous » !

Bibi : je n’avais pas noté, mais oui maintenant ça m’apparaît. D’ailleurs j’aime plutôt. On tient là un FLC essentiellement pratiqué par mail, je pense. En tout cas c’est une expression et on en manquait.

« J’te dis pas »

(Cathy 19/09/2012)

Dans la série du verbe dire, on a aussi « je ne te dis pas », prétérition (c’est pas les études, c’est wikipedia) introduisant un groupe nominal évitant ainsi d’énoncer une phrase complète. Assez ancien.
Exemples :  «  Quand ils ont compris qu’il n’y avait plus de frites pour eux, je ne te dis pas la tête des garçons.»
« Quand j’ai réalisé que je serai seule pour déménager l’appart, je ne te dis pas la panique.»

Bibi : C’est Shakiré, si on veut bien changer la transcription. Le FLC recensé ici doit s’écrire « j’te dis pas », sinon rien à voir.

C’est comme les gens qui parfois écrivent « il n’y a pas photo ». Alors que cette expression est une sorte de hapax phonique, je veux dire qu’elle ne souffre qu’une prononciation, sans quoi elle n’est pas elle-même. Y a pas photo. ET donc « j’te dis pas » (éventuellement « je te dis pas », mais surtout pas de « ne »)

Héritier vaillant du fameux « j’te raconte pas » des années 80, à quoi mon père, qui parfois (rarement) est lourd, répliquait systématiquement : « ben raconte-le pas si tu le racontes pas ». Mon père en somme n’avait rien compris à la prétérition : dire en disant qu’on ne dira pas (ex : « je ne rappellerai pas l’immense grandeur de la France » Jean-Pierre Chevènement)

« J’te dis pas le mal de tête du lendemain » : prétérition.

« Le truc c’est que »

(Pleutre 13/09/12)

En réponse à une question, ou un désir de développement manifesté par le biais du langage, on commencera assez souvent sa phrase par « le truc c’est que… »

La subtilité de cette formule, c’est que  « Le truc », n’est pas « Un truc » et donc annihile tout les aspects les plus vagues et imprécis de l’explication qui va suivre. Le syntagme donne également une solution incontournable à un problème donné, qui ne nécessite aucune autre actions relevant de la phonétique articulatoire.

-réflexion personnelle, c’est aussi peut être un anglicisme détourné de  » big deal » (Ou un truc du genre je suis assez naze en anglais)-

On nous présente une proposition de grande ampleur, encline à la surenchère pour finalement dire généralement quelque chose de très banal.

Exemple :

« La dernière fois tu m’as bien dépannés alors je me demandais, tu need quels compo pour craft ton bâton draconique?
– Le truc, c’est que j’aime bien aider, mais que j’aime pas qu’on m’aide.

Affaire du siècle, le mec signifie qu’il est un pur ( pur devant adj : défaut de langage) , altruiste et qu’il n’accepte aucun retour. Ce qui est de la fausse modestie et d’une hypocrisie total. Sinon il aurait répondu un truc genre ( genre : autre défaut de langage) : « Laisse tomber, je me débrouille  »

Exemple 2

« Tu peux faire la vaisselle?
Le truc c’est que j’ai pas d’éponge. »

Inutile de chercher une solution, il n’y a pas d’échappatoire, la vaisselle restera sale.

Exemple 3

« Il te reste de la monnaie?
– Je sais pas, le truc c’est que j’ai fait l’appoint quand je suis allé acheter du papier toilette, je kiffe la caissière… »

On sait pas trop ou il veut en venir, si ce n’est qu’il y a peu de chance que vous obteniez un service en quelques centimes pour vos besoins personnels

Complément Bibi : je mentionnerai un vrai truc. Dont je suis pas mal intoxiqué. Genre : le cinéaste avait un sujet en or, une situation très riche, il aurait pu nous en faire un vrai truc.

On pourrait aussi dire beaucoup sur « truc » tout court. Avis aux amateurs.

“On en parle ou pas”

(Fleur)

Et sinon vu sur la page facebook d’une amie du site, le « On en parle ou pas? quand on s’apprête à aborder un sujet -souvent- futile ou en tout cas traité sous l’angle joke. Les chaussettes de sport dans des chaussures de ville, on en parle ou pas?

Bibi : tu ne crois pas si bien dire, j’ai une copine qui écrit en ce moment une série télé (programme très court) qui s’appelle comme ça. Il faut voir que c’est souvent pour casser gentiment un ami : bon, ta chemise orange on en parle ou pas? Je crois qu’il y a ça dans la dernière scène de Radio stars. Des potes vannent un aspect physique d’un autre. J’aime beaucoup. Expression qui met clairement de la légèreté là où du lourd pourrait survenir, c’est la première chose qu’on demande à la langue orale.

« On voit bien que… »

(Bibi)

Celle folie sera peut-être passée à la rentrée 2013, auquel cas on n’aura qu’à regarder n’importe quel débat télévisé de l’année qui vient de s’écouler, n’importe quel C dans l’air ou Mots croisés. Le politique et l’éditorialiste adorent mettre « On voit bien que…. » en début de phrase. Le politique, l’éditorialiste, et parfois Bibi, comme il a pu s’en rendre compte en s’écoutant parler, son loisir préféré.

Faut-il gloser ce FLC dans le sens d’une prise d’otage de l’interlocuteur ? Sous-entendu : ce n’est pas une opinion que je formule là, c’est un constat : « on voit bien que la France a tout intérêt a suivre l’Allemagne dans la préconisation de la rigueur ». En ce sens il serait l’écho du fameux « Tout le monde sait bien » de Sarkozy. « Tout le monde sait bien que la France ne peut se passer du nucléaire » Mais attention à ne pas trop donner de sens à ce qui est devenu tic mimétique (mimétic) et, devenant tel, s’est vidé de tout sens.

« ou pas »

(Cédric)

Cours de danse : les élèves apprennent un nouvel enchaînement, on le fait doucement en silence, à plusieurs reprises, on accélère, ça tâtonne. A un moment la prof dit « ok on le fait en musique (regard tourné sur les élèves et prise de conscience de leurs gueules un peu déconfites…mini pause d’une seconde dans la phrase) ou pas ». Le « ou pas » permet d’ajuster une proposition qui n’arrive pas au bon moment, c’est le temps de réaliser qu’on se plante d’où la mini pause dans la phrase.
Discussion entre 2 amies : l’une a adoré le nouveau Resnais, ça dit moyen à l’autre : « Attends c’est quand même l’un des derniers grands en France, la palme d’or elle était là, il faut le voir ! » « Ou pas » répond l’autre. Façon assez claire de couper court à tout argumentaire qui aura du mal à atteindre son but, numéro 2 s’est déjà fait son idée sur la chose, numéro 2 n’a pas envie et ne se laissera pas convaincre. A tendance à casser une conversation.
Comparaison de cuisses entre copines  » Putain elles ont doublé de volume mes cuisses, j’vais pleurer dans 2 mois quand il va faire beau. Demain j’arrête le Nutella…ou pas ». Là c’est l’hésitation, une tension entre le raisonnable et le moins raisonnable, la scène du film où le personnage a un ange sur une épaule qui lui dit d’une fois douce « arrête le nutella, c’est plein de trucs chimiques et tu retrouveras un corps de bombasse » et le diablotin sur l’autre épaule qui réplique « fais-toi plaisir avec ton chocolat de toute façon, ton maillot de l’année dernière tu l’aimes plus, t’en achèteras un nouveau plus grand »

PEGGY : Très entendu à la fin des chroniques de Michel Monpontet (Mon oeil ; 13h15 le samedi sur France 2). A la maison, dans notre langage privé, on dit « ou pas » en imitant sa voix.

Bibi : j’avais relevé une première offensive du « Ou pas » vers la fin des années 90 (running gag sur une session d’enregistrement d’album, où de fait on est constamment tenu de faire des choix assez arbitraires :  « faudrait mettre plus de reverb » « ou pas ».) Mais de fait, un peu comme les ordinateurs après une première approche molle dans les années 80, le « ou pas » s’est imposé dans les années 2000.

 “Psychologiquement”

(Mamouba)

-Elle vient de perdre sa sœur tu sais, psychologiquement c’est dur
-Il a appris que le traitement et les soins seront longs, parfois douloureux et pas tous remboursés par la sécu: pour lui qui n’a pas de complémentaire, psychologiquement c’est lourd
-C’est la deuxième fois que cet enfant redouble: psychologiquement, je te dis pas pour les parents
-Sa femme lui pourrit la vie depuis qu’elle connaît sa relation avec leur voisin: psychologiquement c’est sport pour tout l’monde
-Mer ou montagne pour les vacances en novembre? Psychologiquement je sais pas ce qui est mieux

Bibi : celui-là n’est pas nouveau, mais il est encore là, vaillant, indestructible. Un peu con mais sympa.

« pur » (pour bon)

(Perdri 14/09/12)

A propos de Laurence anyways: « c’te pur film ! » (moi) exprimé ici, en commençant par je sors de ce « grand film » (piqué à François)

A la sortie d’un lycée hier: « la prof de maths c’est une pure MILF » dans la bouche d’un surveillant ou d’un prof-collègue, je ne sais, car ça sortait d’un groupe de bouches adultes qui avaient toutes plus de 30 ans il me semble,

A propos d’un connard: « quel pur connard » (moi, cet été, quand je brossais un plafond avant de le peindre, qu’il en tombait que des saloperies bien sèches et dégueu et que j’entendais « elle bosse bien pour une fille, la parisienne »)

Bibi : un peu retombé, j’ai l’impression. Mais survit, entre autres, dans « une pure meuf ». Entendu hier dans la bouche d’un co-scénariste : « tu vois là le héros doit rencontrer une meuf, je pense. Mais attention, une pure meuf, une nana dont il va etre dingo tout de suite »

« Rebondir »

(MachoMum)

Souvent précédé de « il va falloir, tu vas savoir, y a pu qu’à, tu vas »
-Syndrome de la tentation de l’Australie? de la Tasmanie? de la Nouvelle Guinée? du supradyn et de sa promesse de ressort? de la délégation systématique d’incitation à avoir la pêche quand soi-même on a plus de pulpe et qu’on compte sur les autres, dans la mouise de préférence, pour qu’ils disposent d’énergie pour tout le monde?
Ou ça pourrait encore faire symptôme de pac-wo/man manie?

Tentons la réflexion:
– depuis au moins une bonne décade (c’est plus vieux? -non tu crois? -’tin!) on peut toujours y voir ou en attendre l’action de rebond d’une balle, d’un ballon, tel le 80′s Pac-man qui était rond comme un ballon mais aussi plus jaune qu’un citron
– c’est aussi souvent le nom d’associations pour nous accompagner dans la recherche d’un boulot, dans les secteurs de la réinsertion ou de la reconversion professionnelle, un peu l’équivalent du « un de perdu(e)- dix de r’trouvé(e)s » ou de « il/elle ne te méritait pas » mis en valeur par Joy S, entre autres, dans son boys boys boys il me semble,
– dans la fin de lettre de Jules à Natacha:…

“C’est pourquoi de cette lettre tu trouveras matière non à te questionner, mais à attiser une haine qui d’abord divertira ta rage de te voir quittée, puis t’aidera à m’oublier” : ici, Jules va jusqu’à, d’un rebond d’autoqualification de lâche qui vaudrait acquittement dans sa lettre à Natacha, lui fournir de quoi rebondir, l’occuper, lui faire passer le stade de la rupture en rongeant l’os qu’il lui fournit.

– c’est employé aussi pour enchaîner, rétorquer, commenter, tweeter à la suite de quelqu’un:
“t’inquiètes, il sait rebondir, l’a pas besoin de grand monde pour rebondiller tout seul”

– ou encore dans l’archi connu titre de Larusso qui, dès 1998 refraine et vitamine d’un punchy:« tu r’bondiraaas tu r’bondiraaas as as » tous les tristous de la Terre.

Bibi : Ça c’est du boulot

Je prends, pour le coup pas regardant sur le fait que ça fait 15 ans que ça dure

Juste ajouter son usage dans les débats ou réunions ou  deliberations collectives : je vais rebondir sur ce que vient de dire Jean-Jacques.

Je vire quand même l’analogie avec la scène Flup-Gilles, parce que l’influence de Flup se veut plus métaphysique que managériale

“Sous l’eau”

(Acratie)

J’étais sous l’eau, je suis sous l’eau.
Ici employé dans le sens: j’étais débordée par le contexte.

Sous l’eau remplace aussi « charrette » ou « à la bourre », trop de taf

“On vient pas ce week-end, on est sous l’eau

Bibi : Oui, je l’ai repéré il y a quelques années. Il m’arrive même de l’utiliser, alors que je trouve ça toujours un peu complaisant de faire valoir qu’on bosse comme un fou (comme dirait un de nos jeunes sarkozystes dans le docu). J’ai fini par comprendre qu’en terre de profession libérale, bosser beaucoup veut dire etre dans une dynamique vertueuse de business, laquelle dynamique crée une dynamique : bref, cela fait partie du boulot que de dire qu’on bosse beaucoup. C’est ce qu’on appelle une parole performative, ou auto-réalisatrice.

 

« un peu »

(Isa)

 J’ai un peu les nerfs à vif / j’ai un peu une vie de merde en ce moment / j’suis un peu morte là / j’suis un peu folle de ce mec / t’es un peu un connard toi non ? (variante : t’es pas un peu un connard toi ?)

– précède toujours un mot qui ne fait pas du tout dans la nuance
– s’emploie donc pour atténuer, alléger, dédramatiser, désamorcer, amortir. Un état, une vanne, une idée etc.
– se dit la plupart du temps sur le ton de l’ironie.
– est parfois accompagné d’une moue, d’une tête qui balance de gauche à droite (les 2 mains peuvent s’y mettre aussi). Le « un peu » mime le doute pour…le semer.
– suggère donc de ne pas prendre trop au sérieux ce que je dis mais un peu quand même – démerde-toi avec ça.
– se veut toujours courtois

les bénéfices (certains peuvent se cumuler) :
– évite de franchement nuire à l’ambiance
– laisse une chance à la discussion de ne pas s’arrêter brutalement
– évite de chercher un mot intermédiaire plus ajusté à votre humeur – parce que c’est super dur de trouver non ?
– permet de ne pas trop se prendre au sérieux. C’est toujours sain.
– permet de noyer le poisson, d’avancer masquée. On est pas là pour tout déballer.
– façon parfois de ne pas assumer totalement ce qu’on avance. Mais on se trompe si on pense que les autres ne voient rien.
– permet de tester votre interlocuteur – de prêcher le faux pour connaître le vrai ou l’inverse. Ex : j’sais pas, j’ai été un peu une connasse sur ce coup-là – ah ouais carrément ! (j’en étais vraiment pas persuadée mais là y’a plus de doute – ça sert à ça aussi les potes)
– fait parfois rire quand il est accompagné de la moue et de la tête qui balance
– fera d’autant plus rire si ce qui suit est super radical.
– donne du swing à votre phrase – non négligeable – à condition de bien rebondir dessus.
– passe à peu près inaperçu. A tel point que je ne sais pas si d’autres que moi l’emploient. On ne s’en lasse pas au bout d’un mois et il ne nous agacera pas au bout de 10 minutes si c’est l’autre qui l’utilise.
– évite de se prendre une baffe par le connard assis en face ou tout proche de toi au comptoir du bar.

 

Bibi : Rien à ajouter, très complet. Tic que je peux avoir. Même à l’écrit (j’en retire beaucoup au moment du repassage)

A mettre dans le lot de toutes les expressions euphémisantes, qui dénotent sans doute, contrairement à certaines litanies, une amélioration de la délicatesse sur la planète (une espèce de, comme ça)

B) Les Brandon Dugommier

« Carotte, carotter »

(Charles/Anne-Laure)

C : Je ne regarde pas Secret story mais en général carotte est utilisé comme verbe pour dire subtiliser (« je t’ai carotte une clope », on notera qu’on dit je t’ai carotte et non je t’ai carotté) Ou pour signifier une supériorité passagère (« t’as vu comme je t’ai carotte sur ce coup là » = je t’ai bien niqué). On trouve aussi : « ça c’est carotte pour toi » = dans ta gueule.

A-L : Le verbe carotter existe depuis longtemps et signifie dérober quelque chose à quelqu’un sans qu’il s’en rende compte en utilisant la ruse. Dans Secret story on utilise carotte pour signifier le fait de doubler quelqu’un dans le jeu sans qu’il ne s’en rende compte. A se demander si l’origine est le verbe du vieux français ou si en parallèle on a ici une création de langage dont l’origine pourrait être une sombre histoire de dispute autour d’un plat de carottes râpées lors du secret story 5. C’est ce qu’on appelle la convergence évolutive en biologie, comme avec le loup de Tasmanie et le chacal doré voyez-vous.

Bibi : Beau travail en binôme. Je rebondis sur « on dit je t’ai carotte et non je t’ai carotté ». L’oral écourte souvent, mais c’est rare qu’il écourte si peu. Et pourtant ça fait longtemps que la pratique existe –souvenir de « je l’ai chourrave » à la place de « je l’ai chourravé »

« bien ou bien »

(Charles)

Dans le langage jeune/banlieue, on trouve aussi « bien ou bien » pour demander « comment ça va? ». On remarquera qu’il n’y a pas de point d’interrogation et l’absence d’alternative : ça ne peut que bien aller, vous n’avez pas le choix. L’expression remplace le « ça va? » en le sous-entendant, il faut ainsi comprendre « ça va bien ou bien? ».

Bibi : Découvert pour ma part sur le tournage d’entre les murs, en juillet 2007. Souvent précédé de wesh : « wesh bien ou bien ». Très vite repris par les adultes de ce tournage.

« j’avoue »

(Wombat)

Sévit surtout chez la génération kikoulol. Je reparcours les SMS de mon petit cousin et ça donne en résumé ce genre de phrases : « Kikou Ch8 ds ltr1! TaV raison, la m9 diR éT tro fraiche j’avoue » (cad pour les allergiques au SMStyle: « Bonjour. Je suis dans le train. Tu avais raison c’est vrai, la demoiselle d’hier était très jolie)

Bibi : repéré ça il y a trois ou quatre ans, et j’ai l’impression que ça ne faiblit pas. Peut-même se décliner de façon encore plus rythmique. « J’ai trop faim j’avoue » « Je vais chez Kim j’avoue »

« mytho, mythonner »

(Acratie/Anne-Laure)

Il y a mytho et mythonner que j’aime bien parce qu’on s’y perd: le mytho c’est celui qui ment « c’est un putain d’mytho Kamel », mais c’est aussi le mensonge « tu nous embrouilles, là, arrête de nous faire des mythos là » et mythonner j’ai percuté que c’était pas mitonner avec un peu de retard « et m’dame y vous mythonne là, Kamel, j’ai pas traité sa mère… ».

Bibi : même furtive confusion entre mytonner et mitonner, quand je découvre le phénomène à Dreux en 2000.

Cinq ans plus tôt, même genre de quiproquo quand un élève me dit écouter du R’n’B, je me dis qu’il est quand même vachement intéressant, ce gosse de quinze ans qui écoute Chuck Berry.

« t’inquiète »

(Wombat)

Il ne faut pas se méprendre, le « t’inquiète » de mon petit cousin ne traduit pas une empathie excessive aux vicissitudes de la vie de sa fragile grande cousine. Non, le « t’inquiete » est à l’instar du point ou de la virgule, une nouvelle sorte de ponctuation, la seule d’ailleurs admise en langage SMS avec le point d’exclamation.
Ce qui donne : « tt va b1 jesper &kvs ossi t’inkiet jtenveré un mess 2m1″ (Tout va bien et j’espère que vous allez bien aussi, j’enverrai un message demain)
Bibi : Variante : « j’ai trop faim t’inquiète »

« Vite fait »

(Rahan)

N’exprime pas la volonté d’effectuer une action rapidement, genre « je vais vite fait prendre une douche chez moi et je vous rejoins au bar », mais plutôt dans un sens se rapprochant du « non » ou du « vraiment pas terrible ».

Par exemple, lors d’une conversation anodine

Kevin : T’as aimé le film hier soir ?
Jessica : ouais vite fait…
Dans ce cas, on doit comprendre qu’il s’agit d’un film pas terrible

Deuxième exemple, lors d’une conversation entre un enseignant et un élève :
Enseignant : Est-ce que tu aimes l’Histoire ?
Élève : Vite fait…
Enseignant : vite fait ?
Élève : je dis vite fait mais en fait pas trop, enfin pas du tout…
Dans ce cas, on comprend que c’est : « je n’aime pas du tout » L’élève dit vite fait pour éviter de blesser l’enseignant et au passage  lui montrer qu’il a un vocabulaire différent du sien.

Bibi : j’aime beaucoup ce flc. C’est quand même très fort quand le sens de l’expression n’a presque rien à voir avec le sens « objectif » des mots qui la composent. On comprend pourquoi je mets des guillemets à objectif.

Je crois cependant que « vite fait » se branle tellement du sens, est tellement un marqueur oral, qu’il lui arrive de pouvoir signifier : oui oui pas mal. Dans ce cas il dénote une sorte de nonchalance, ou de détachement presque dandy.

-le match s’est bien passé?

-ouais vite fait

-vous avez perdu?

-non, gagné 2-1