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L’Ancien régime, Incipit, le 23 mars

La commande à laquelle répond ce livre se formulait ainsi : raconter, en 50000 signes (et donc 90 pages dans ce format aéré), une première historique. Le même jour que L’Ancien régime sort la contribution de Gonzague Saint Bris, qui porte sur le premier festival de Cannes – en 1946. Suivront, à un rythme de deux ou trois par trimestre, des livres sur le premier bikini, le premier malade du sida, la première discothèque, etc.

L’Ancien régime se penche donc sur l’entrée de la première femme à l’Académie française, Marguerite Yourcenar, en 1981. Les faits rapportés sont pour la plupart authentiques, la subjectivité de l’auteur intervenant dans leur choix, leur disposition, leur saisie. Ainsi tout est objectif et tout est partial.

L'Ancien régime couv

Un extrait :

En 1760, il vint à D’Alembert la foucade de promouvoir la candidature à l’Académie d’une certaine Julie de Lespinasse, illustre inconnue dont le prénom laissait présager une dommageable incapacité à uriner debout.

S’il avait voulu provoquer son monde, D’Alembert n’eut qu’à rentrer la queue basse au temple maçonnique où son initiative lui avait été soufflée, car il ne provoqua quun unanime mépris. On fit savoir à ce mathématicien que si son calcul était d’obtenir les faveurs de la salonnière, et qu’enfin se consomme leur amour qu’une rumeur disait platonique, il eût plus vite fait de la soumettre en l’épousant ; on observa en outre que sa favorite n’avait jamais publié, pas même un traité sur le bon usage du passé simple ou du nègre de plantation, et que rien ne certifiait que la correspondance supposée brillante qu’elle échangeait avec ses nombreux prétendants ne fût truffée de fautes de conjugaison.
Le vrai ressort du refus n’était pourtant pas que madame de Lespinasse n’ait écrit que sur ses ovaires, ni que sa prévisible sensiblerie la rendît inaccessible à la raison, mais une interrogation aussi simple que l’habit d’Ève : pourquoi une femme occuperait-elle un siège, alors qu’aucune femme n’en avait jamais occupé? Attendu que tout ce qui existe possède un caractère de nécessité, ce qui n’existe pas n’en possède pas. Si le sexe faible n’était pas à lAcadémie, c’est qu’il ny était pas nécessaire, la cuisine y étant déjà correcte et les nappes assez propres. Les fleuves avaient été conçus pour accueillir les rivières, les océans pour accueillir les fleuves, les femmes la semence de l’homme. Leur absence à lAcadémie participait de l’ordre général. Et si elles y avaient été présentes, cela eût aussi participé de lordre général, nen déplaise aux misogynes.

Variante possible :

En 1760, il vint à D’Alembert la lubie de promouvoir la candidature à l’Académie d’une certaine Julie de Lespinasse, illustre inconnue dont le prénom laissait présager une dommageable inaptitude à uriner debout.

S’il avait voulu provoquer son monde, D’Alembert n’eut qu’à repartir la queue basse vers le temple maçonnique où son initiative lui avait été soufflée, car il ne provoqua quun unanime mépris. On fit valoir à ce mathématicien que si sa manoeuvre visait à obtenir les faveurs de la salonnière, et qu’enfin se consomme leur amour qu’une rumeur disait platonique, il eût plus vite fait de la soumettre en l’épousant ; on observa en outre que sa favorite n’avait jamais publié, pas même un précis sur le bon usage du passé simple ou du nègre de plantation, et que rien ne certifiait que la correspondance supposée brillante qu’elle échangeait avec ses nombreux prétendants ne fût truffée de fautes de conjugaison.
Le vrai ressort du refus n’était pourtant pas que madame de Lespinasse n’ait écrit que sur ses ovaires, ni que sa prévisible sensiblerie la rendît inaccessible à la raison, mais une interrogation simple comme l’habit d’Ève : pourquoi une femme occuperait-elle un siège, alors qu’aucune femme n’en avait jamais occupé? Tout ce qui existe possédant un caractère de nécessité, ce qui n’existe pas n’en possède pas. Si le sexe faible n’était pas à lAcadémie, c’est qu’il ny était pas nécessaire, la cuisine y étant déjà correcte et les nappes assez propres. Les fleuves avaient été conçus pour accueillir les rivières, les océans pour accueillir les fleuves, les femmes la semence de l’homme. Leur absence à lAcadémie participait de l’ordre général. Et si elles y avaient été présentes, cela eût aussi participé de lordre général, nen déplaise aux misogynes.

Interview 1ères fois

179 Commentaires

  1. Sinon François, pour répondre à ta demande dans l’interview, j’ai retrouvé la généalogie de l’infâme expression « vivre ensemble ».

    L’origine du mal, c’est le mythologue Roland Barthes qui consacra un cours au Collège de France, intitulé « Comment vivre ensemble » (77, repère : Nantes champion hexagonal de foot). On raconte que le matin de sa mort, Barthes vit une première occurrence du syntagme dans un bulletin officiel de l’Inspection Général des Lettres, précédé d’un article défini « le ». Il en fut extrêmement perturbé avant d’aller ripailler avec Mitterrand et Lang. On connaît la suite.

    • comme le livre de Binet eut été meilleur s’il était parti sur ce genre d’hypothèses

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