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Une Nouvelle pour l’été
Chacun sait, dans le champ éditorial, que les recueils de nouvelles se vendent mal. Et les recueils collectifs, encore plus mal. Pourtant les éditeurs persistent à foncer dans ce mur, gageant peut-être que le prestige de ce genre d’objet littéraire compensera le fiasco financier – fiasco il est vrai modique puisqu’un livre se fabrique littéralement à peu de frais, raison pour laquelle on en publie tant.
En 2012, Véronique Ovaldé, éditrice quand elle n’écrit pas des romans très recommandables, a demandé à neuf auteurs de plancher sur une nouvelle dont le thème-tremplin serait les vampires. Il en est résulté un livre paru dans la collection Points.
Véronique ne m’en voudra pas de mettre en ligne ma contribution d’alors. On pourra la lire en attendant la nouvelle, plus longue, commandée par Grazia il y a deux mois et qui sera jointe au magazine courant juillet. La lecture des deux en un seul été autorisant chacun à prétendre qu’il n’aura pas complètement endormi son cortex entre deux mini-golfs.
Je n’avais pas relu cette nouvelle depuis sa publication. J’en reporte ici deux fois le texte : d’abord dans sa version publiée, puis, à la suite, dans une version augmentée des remarques stylistiques (en gras) que m’inspire cette relecture évidemment crispée. Après quoi les neuf présents lecteurs numériques se précipiteront pour acheter le recueil, ce qui triplera ses ventes et tout le monde sera content.
Frédéric Jourdain
La première fois c’était à Tours. J’avais 23 ans. J’aurai eu 23 ans de paix.
A l’époque il existait un service qu’on appelait militaire. Etudiant en lettres modernes, on m’avait affecté au secrétariat d’un lieutenant-colonel qui n’avait jamais vu la guerre mais perdrait un index six mois plus tard en taillant un conifère de sa propriété de Haute-Savoie dont il vantait la flore à longueur des journées creuses que nous passions l’un en face de l’autre puisqu’ainsi étaient configurés les bureaux des officiers de la caserne Beaumont aujourd’hui fac de médecine.
-Faudrait que vous voyiez ça, Bégaudeau! Un jardin d’Eden !
Le sentiment d’inutilité qui le minait m’avait été bien utile. Dès mon incorporation je l’avais vu s’activer, enchainant les coups de fil, rédigeant lui-même des lettres pailletées de points d’exclamation à l’attention de qui de droit, pour que l’administration m’autorise à dormir hors les murs, et pourquoi pas dans un des studios que le 152ème régiment d’infanterie possédait aux lisières de la ville. Ainsi à 18h on me voyait passer la grille en civil et rallier d’un pas leste l’arrêt de bus. Il arrivait aussi que je m’attarde dans le centre, avec des bidasses hébétés par l’absurdité de leur journée, ou en tête à tête avec Frédéric Jourdain dont j’aimais la conversation et voir s’agiter les lèvres pourpres.
J’ai d’excellentes raisons de me rappeler celle du 21 mars 1996. Bientôt tous les téléphones seraient sans fil, et la télé remplacée par une offre multiple d’écrans intégrés, c’était la prophétie de Frédéric. Pour autant il ne prévoyait pas qu’elle se réaliserait sans lui broyé en 98 par un camion frigorifique sur une rocade de la périphérie de Toulouse. Il n’est pas établi qu’un prophète doive tout anticiper. J’ai réglé la tournée et attrapé le dernier bus investi par les employées de ménage du quartier administratif. La plupart étaient jeunes, pas encore mères et donc disponibles pour travailler après la désertion des bureaux. Assoupie, celle d’en face me laissait le loisir de détailler son visage de vingt ans, cerné mais sans rides. Sur le pont de Saint-Cosmes elle a commencé à émettre un léger ronflement. Sa veste de jean était ouverte sur une blouse dont elle avait déboutonné le haut par cette chaleur. Tombant alternativement à droite et à gauche, sa tête a trouvé son point de stabilité en cassant sa nuque sur le haut du siège, la bouche entrouverte m’offrant alors une vue sur quelques dents. A quoi avait ressemblé ses deux premières décennies? Quel fatum de précarité lui avait mis un balai dans les mains à l’âge où elles ne devraient que caresser des peaux d’homme ? Si j’avais eu un gâteau je l’aurais glissé entre ses lèvres là maintenant, comme une lettre dans la fente d’une boite.
Trop de centimètres nous séparaient pour que j’identifie l’odeur qu’elle dégageait. Une de ces mauvaises odeurs dont une petite dose est agréable aux narines. Sont-ce les narines qui jouissent quand on sent ? En tout cas ce sont elles que j’ai approchées de l’échancrure de sa blouse. La fille assise à coté m’a demandé ce que je faisais. A sa voix elle était plus vieille. J’ai dit que je sentais et c’était bien vrai, je sentais, je reniflais, concluant à un mélange de parfum et de détergent. Ou alors c’était son odeur foncière, organique, son odeur propre. On pouvait l’imaginer propre mais je la préférais comme là, corps de fin de journée imprégné de réel, empreint de ville. Du bout de la langue j’ai parcouru son cou de bas en haut, l’effleurant à peine, son dernier ronflement tout juste fendu d’un hoquet. Il n’était pas impossible qu’elle trouve cela agréable et feigne le sommeil en guise d’autorisation à continuer. Ou bien elle rêvait qu’une langue lui léchait le cou, remontait vers l’oreille, cherchait la parcelle d’épiderme idoine. La voisine m’a ordonné d’arrêter. J’ai trouvé l’ordre raisonnable et j’ai mordillé l’oreille, du moins ai-je cru que c’était l’oreille que je voulais mordre comme la fréquentation de l’autre sexe m’en avait à la longue transmis le réflexe, mais non ce n’était pas l’oreille, c’était le cou, c’était au niveau du cou que ça se passait. Je n’ai pas trouvé raisonnable de tirer la peau du cou entre mes dents pour la sectionner. Elle a rêvé qu’une morsure lui arrachait un cri et ce n’était pas un rêve puisque je l’ai entendu, et les passagères aussi. A moins que nous ayons tous pénétré son rêve. Ce n’est pas ce qu’ont cru les filles du bus. Elles ont trouvé ce cri réel et ont crié à leur tour. J’ai résisté aux mains qui m’ont agrippé et ceinturé pour m’arracher à elle. Résister n’était pas raisonnable. Elle ne ronflait plus, ne dormait plus, s’était animée, se débattait sans comprendre ce qui lui arrivait. Personne ne comprenait ce qui arrivait. Une fois décroché d’elle, un chœur aigu m’a sommé de quitter le bus que le chauffeur avait immobilisé sur le parking d’un Mondial Moquette éteint et silencieux.
Je n’ai du qu’à la pleine lune et aux pancartes phosphorescentes de retrouver la direction de Saint-Pierre-des-Corps. Il m’en a couté un quart d’heure de marche parmi phares et faisceaux. A l’approche de l’immeuble j’ai contourné le bloc pour éviter un groupe de jeunes arabes. Ça m’a fait deux minutes de plus.
La glace du lavabo scellé dans un angle m’a fait voir que j’avais saigné des lèvres, mais qu’une fois le sang sec gratté aucune lésion n’apparaissait. De fait je n’avais été mordu aux lèvres ni par la dormeuse, ni par ses protectrices. Le sang qui tachait maintenant un kleenex bouchonné dans la corbeille ne m’appartenait pas. En allumant ma télé, j’ai repensé à Frédéric. Repensé n’est pas le mot. Plus exactement une loupiote neuronale s’est furtivement allumée quand j’ai appuyé sur le bouton veilleuse de la télécommande. Pendant combien d’années des postes meubleraient-ils encore les salons ? Le Soir 3 relevait et annonçait des températures élevées pour saluer l’arrivée du printemps. Sur France 2 des experts se montraient pessimistes quant à la possibilité de paix dans les Balkans.
Le lendemain et les jours suivants je suis rentré de la caserne à pied. Même en prenant le bus de 18H j’étais sûr d’y trouver une des filles habituelles, peut-être même la dormeuse dont, flexibilité oblige, les horaires variaient. Je n’avais pas très envie de ça. J’en ressentais une gêne avant l’heure. Par extension de la gêne, je me dispensais aussi de bus du matin.
On ne savait jamais.
Au bout d’un mois au régime d’une heure de marche matin et soir, j’ai demandé au lieutenant-colonel d’œuvrer pour qu’on me réintègre à ma chambrée de référence. Son irritation devant une requête à rebours du bon sens fut vite supplantée par l’adrénaline d’une nouvelle mission de pilonnage des troupes administratives dont sans surprise il dénonçait les lourdeurs.
C’était encore un fier service qu’il me rendait. Il était assez fier de me le rendre. Le jour de la quille, j’ai glissé une lettre cachetée sous son appui-main, pariant qu’il n’en découvrirait les accents lyriques que quelques semaines plus tard, quand je serai à 200 kilomètres de là, préparant fébrilement ma première année d’enseignement au cours de laquelle Sophie, prof d’anglais néo-titulaire, m’initierait au poker, d’abord sur une table du CDI un jour de grève, ensuite en salle des profs après les cours, enfin dans son studio meublé un soir de novembre et aux alentours de 23h nous nous sommes embrassés sur le canapé puis dans son lit où un laborieux effeuillage mutuel n’a pas affaibli mon érection.
Sur le moment je ne me suis pas dit que c’était ma première fille depuis le bus de Tours. Autre chose occupait ma pensée, si on peut appeler pensée le galimatias d’un cerveau en pleine activité sexuelle.
La retombée de tension consécutive nous ayant précipités dans le sommeil sans les rituels d’avant coucher, les volets ouverts ont laissé passer le jour qui m’a réveillé à 8H10.
Deux reproductions de Monet se regardaient d’un mur à l’autre. Je n’en connaissais qu’une. J’imaginais sombre l’eau sous la nappe de nénuphars. Une nuisette à pois enveloppait le dossier d’une chaise encombrée de livres bilingues. J’ai eu la tentation sans suite de me lever les feuilleter. Sophie dormait sur le dos, tête légèrement désaxée du buste. Je lui ai envié cette faculté. Dormir sur le ventre entravait la respiration et laissait les bras indécis sur la position à prendre. Mes lèvres ont glissé sur son épaule, laissant un peu de bave, moins qu’un escargot. Elle a cru que je requérais du sexe et pivoté sur le flanc pour m’offrir ses fesses et son cou brulant. Elle a salué la première morsure d’un gémissement ambigu et ponctué la seconde d’un cri qui l’a éjectée du lit. Pour la première fois je la voyais nue en pied, petits seins juvéniles et tétanisée par une stupeur qui est devenu de l’effroi quand elle a passé un doigt sur son cou. J’ai pensé à l’index amputé du lieutenant-colonel. Je me suis excusée. Elle est allée s’essuyer dans la cuisine. En m’habillant j’ai entendu l’eau couler. Un roi de cœur était retourné contre la moquette du salon. Elle m’a demandé de m’essuyer aussi et de partir. Je suis parti sans m’essuyer. Dreux dormait encore. Même ensoleillée cette Toussaint allait être extrêmement maussade.
Le lendemain la taille du lycée polyvalent m’a permis d’éviter sans trop de manœuvres Sophie qu’un reliquat de machisme me faisait supposer désireuse d’une mise au point. En réalité elle en avait encore moins envie que moi et s’est employée à ne plus me croiser jusqu’à la fin de l’année et sa mutation en Haute-Garonne.
Elle n’était pas femme de ménage, je n’avais pas entaillé son cou dans un bus de nuit mais dans un lit de jour, et j’avais couché avec elle. Seuls le sommeil et la jeunesse relative de la victime liaient les deux incidents. Pourtant il me semblait avoir déjà regardé des jeunes femmes dormir sans les mordre, ne serait-ce que Pascale avec qui j’avais souvent partagé le matelas au sol de ma chambre nantaise.
Peut-être le phénomène ne pouvait-il avoir lieu qu’en région Centre.
J’aurais pu multiplier les expériences pour circonscrire le champ d’étude : regarder une fille dormir à Bordeaux, Brest, Lens, dans un pays étranger puis extra-européen, puis à Tours hors d’un bus, puis à Dreux hors d’un lit. Mais l’heure n’était pas à tenter le diable. Si cela suffisait à m’épargner la honte démunie dans laquelle m’avait laissé les deux incidents, mieux valait tout bonnement se passer de sexe et d’amour.
On y parvient.
Et à anticiper les situations à risques.
La vigilance m’est devenue une seconde nature, l’évitement un réflexe. Trois, puis quatre, puis cinq précautions valaient toujours mieux qu’une. Je déclinais les week-ends en gite rural entre collègues, changeais de place quand je sentais une voisine de cinéma prise de somnolence, boycottais les hôpitaux emplis de gens assommés par les cachets, tachais de ne pas me retrouver seul avec une fille même très en éveil, sortais peu le soir, ne sortais plus, écoutais les fictions radiophoniques de France-Culture, limitais ma vie extérieure aux impératifs professionnels, passais pour revêche ou homosexuel.
Avant le retour d’un voyage scolaire à Rome par train de nuit, j’ai avalé une grosse dose de somnifères pour ériger un mur d’inconscience entre moi et la voiture où les élèves finiraient par s’endormir, parmi lesquels des filles. Jeanne et Philippe, profs d’histoire et de philo, ne pourraient pas compter sur moi pour la corvée de surveillance. Ils se relaieraient pour des rondes. A l’aube Jeanne s’accorderait une pause thé au bar puis me secouerait tendrement le bras à l’arrivée en gare de Montparnasse. Elle n’en reviendrait pas d’une larve pareille. En plaisanterait encore dans le bus 57 direction Père Lachaise. Evoquerait à nouveau ce voyage lors de notre premier restaurant, et aussi mes absences aux fêtes de fin de trimestre. J’étais quand même un drôle de type. Elle aimait bien les drôles de types. Elle aimait bien penser à moi. Elle aimerait bien qu’on sorte marcher Boulevard Haussmann et qu’on s’embrasse devant l’immeuble Apple en se frottant mutuellement les bras pour se réchauffer. Elle était, comment dire, un peu amoureuse et moi aussi.
Longtemps, sous des prétextes divers et chaque fois moins crédibles, j’ai ajourné le saut dans la case suivante de la marelle de l’amour. Jeanne a fini par me soupçonner impuissant, ou apeuré par le sexe. C’était un soupçon pénible à essuyer. Mon existence était devenue une succession de petites choses pénibles. Il me venait des envies de course éperdue vers nulle part pour me fausser compagnie. Un soir d’avril je me suis laissé porté vers son lit. Chacun tremblait pour des raisons différentes. Je fuyais sa bouche pour mieux justifier que je n’use pas de la mienne. C’était risible et invivable. La vie était emplie de moments invivables. J’ai renfilé mon jean et mes baskets qui à l’époque étaient des Reebok. Je l’ai fait lentement et je suis parti dans la nuit. Jeanne ne m’a pas retenu.
A la station Barbès je me souviens qu’un rat léchait le rail de la ligne 4.
Comme je n’avais aucun repère en la matière, j’ai choisi le cabinet de psychiatre le plus proche, dans un immeuble de l’avenue Ledru-Rollin où exerçait aussi un conseiller immobilier. C’était un psychiatre chauve et affable. Il m’a demandé si un traumatisme avait précédé, de près ou de loin, l’épisode du bus. J’ai demandé ce qu’il entendait par de loin. Il a eu un geste pour dire aussi loin que vous voulez, alors j’ai parlé de mon coma après une chute de vélo, en début de CM2. Un coma d’une heure, selon le pompier qui m’avait apporté les premiers soins à même le bitume, secondée par ma mère accourue.
Probablement cinéphile, mon vis-à-vis a retiré ses lunettes et léché le bout d’une branche avant de demander quel genre de rapports j’avais avec ma mère. Des rapports normaux, j’ai dit. Du reste je venais de publier une pièce qu’il était loisible de lire comme une adresse tendre à celle qui m’avait mis au monde et nourri. Il m’a demandé si j’avais une sœur. J’en avais une, et aussi un père et un frère. J’avais tout ce qu’il est possible d’avoir ! ai-je plaisanté. Il a signé le prolongement de mon arrêt maladie.
Sur un site dévolu aux addictions au sang, un spécialiste expliquait qu’il s’était installé à Créteil parce que des dégâts de voirie aussi importants qu’inexplicables s’y étaient produits dans les années 80. Un signe de grande vigueur souterraine du paravivant ! a-t-il précisé en me faisant asseoir dans son salon aux volets clos.
Il a commencé par mesurer mes incisives latérales, tout en précisant que la longueur remarquable que leur prêtait l’imaginaire collectif était assez rare. On avait même connu des spécimens édentés qui incisaient la peau avec une lame et y appliquaient la bouche seulement après. Dans ce cas on parlait de succion plutôt que de morsure.
Etais-je un gros mangeur de viande ? J’ai répondu que oui, plutôt. Viande crue ? Disons qu’elle ne me rebutait pas. Et le boudin ? Oui j’aimais beaucoup.
En revanche je n’avais ni gout particulier pour les excréments, ni appétence pour ma propre chair, ni ancêtres dans la partie orientale de l’Europe à peine entrevue lors d’un voyage à Auschwitz avec des élèves de troisième en 2004. Je n’aimais pas beaucoup les cimetières, n’aurait pas volontiers dormi dans un cercueil, ne m’étais pas senti revigoré après avoir mordu les deux filles, dont je n’avais de toute façon récolté que quelque gouttes de sang, autant que je puisse en juger.
A ce propos avaient-elles, ces deux filles, développé à leur tour des comportements de réhydratation globulaire ? Pas à ma connaissance.
Mes deux premiers livres portaient-ils de près ou de loin sur les transfusions vitales ? Non plus.
Il m’a resservi du thé puis plongé son regard dans le mien, toujours cinéphile. Plongé son regard dans le mien est l’expression approximative qui m’est venue.
-Etes-vous bien sûr de ne pas être mort ?
J’ai cassé un sucre pour n’en larguer qu’une moitié dans la tasse. Le professeur Romero n’a pas attendu ma réponse.
-Il en faut peu pour qu’un mort devienne vampire. Qu’un chien ou un chat enjambe le cadavre et hop : le mort est converti. Du coup il s’anime aussitôt, s’anime si tôt qu’il se croit vivant, pense qu’il a juste perdu connaissance, et je vous laisse imaginer le malentendu.
-Oui.
–Ça marche aussi avec les hyènes mais par chez nous la probabilité est faible.
Le soir au téléphone m’a mère m’a remercié pour l’envoi de la pièce, elle ne l’avait pas encore lue mais m’avait entendu en parler chez Ruquier où elle m’avait trouvé une petite mine. Je lui ai demandé si elle se souvenait de mon accident de vélo de CM2 et de la durée pendant laquelle j’étais resté seul inanimé avant que des gens puis le pompier s’occupent de moi. Elle a réfléchi pour me faire plaisir mais non, elle ne pouvait pas savoir, puisque par définition elle n’était pas là. Un bout de temps, quand même. Une départementale de Vendée en plein hiver c’est assez désert. Disons un bon quart d’heure.
Un bon quart d’heure.
En un bon quart d’heure un chien avait pu m’enjamber. Ou un chat. Il n’en manquait pas à la campagne. Ni de boudin, qu’on ficelait dans la grange après avoir saigné le cochon. Il y avait une certaine cohérence dans tout ça. Rien n’excluait que je sois mort. C’était sans doute ça l’explication. J’aurais pu m’en alarmer mais le fait que personne ne s’en soit rendu compte en trente ans prouvait que c’était une nouvelle d’importance mineure. J’étais mort et ça ne changeait pas grand chose.
Frédéric Jourdain
La première fois c’était à Tours. J’avais 23 ans. J’aurai eu 23 ans de paix.
A l’époque il (la phrase sonnerait mieux sans ce « il » inutile) existait un service qu’on appelait militaire. Etudiant en lettres modernes, on m’avait affecté au secrétariat d’un lieutenant-colonel qui n’avait jamais vu la guerre mais perdrait un index six mois plus tard en taillant un conifère de sa propriété de Haute-Savoie dont il vantait la flore à longueur des journées creuses que nous passions l’un en face de l’autre puisqu’ainsi étaient configurés les (« conformément à la configuration des »? mais ça fait deux fois « des » dans une phrase saturée de génitifs) bureaux des officiers de la caserne Beaumont aujourd’hui fac de médecine.
-Faudrait que vous voyiez ça, Bégaudeau! Un jardin d’Eden !
Le sentiment d’inutilité qui le minait m’avait été bien utile. Dès mon incorporation je l’avais vu s’activer, enchainant les coups de fil, rédigeant lui-même des lettres pailletées de points d’exclamation à l’attention de qui de droit, pour que l’administration m’autorise à dormir hors les murs, et pourquoi pas dans un des studios que le 152ème régiment d’infanterie possédait aux lisières de la ville (en lisière de, non?). Ainsi à 18h on me voyait passer la grille en civil et rallier d’un pas leste l’arrêt de bus. Il arrivait aussi que je m’attarde dans le centre, avec des bidasses hébétés par l’absurdité (excessif, mieux à trouver ; vacuité? plus juste mais c’est pas encore ça) de leur journée, ou en tête à tête avec Frédéric Jourdain dont j’aimais la conversation et voir s’agiter les lèvres pourpres.
J’ai d’excellentes raisons de me rappeler celle (comprend-on qu’il s’agit d’une des conversations avec FJ? Pas bien négocié) du 21 mars 1996. Bientôt tous les téléphones seraient sans fil, et la télé remplacée par une offre multiple d’écrans intégrés, c’était la prophétie de Frédéric. Pour autant il ne prévoyait pas qu’elle se réaliserait sans lui (j’assume l’absence de virgule) broyé en 98 par un camion frigorifique sur une rocade de la périphérie de Toulouse. Il n’est pas établi qu’un prophète doive tout anticiper. J’ai réglé la tournée et attrapé le dernier bus investi par les employées de ménage du quartier administratif (ça va un peu trop vite, là ; souci d’enchainer, toujours, mais qui parfois oublie de poser le jeu : ici, marquer la fin de la conversation avec Frédéric, puis commencer le bus ; séquencer pour mettre à l’aise le lecteur). La plupart étaient jeunes, pas encore mères et donc disponibles pour travailler après la désertion des bureaux (il n’aurait pas été superflu d’ajouter : par les salariés mieux payés qu’elles ; ou quelque chose comme ça). Assoupie, celle d’en face me laissait le loisir de détailler son visage de vingt ans, cerné mais sans rides (sans rides mais cerné?). Sur le pont de Saint-Cosmes elle a commencé à émettre un léger ronflement. Sa veste de jean était ouverte sur une blouse dont elle avait déboutonné le haut par cette chaleur. Tombant alternativement à droite et à gauche (bof ; des deux côtés?), sa tête a trouvé son point de stabilité en cassant sa nuque sur le haut du siège (dossier), la bouche entrouverte m’offrant alors une vue sur quelques dents (on pourrait préciser lesquelles). A quoi avait ressemblé ses deux premières décennies? Quel fatum de précarité lui avait mis un balai dans les mains à l’âge où elles (« celles-ci » serait plus clair, mais je n’aime pas celles-ci, trop scolaire ; souvent la clarté passe par le scolaire, c’est un souci, et c’est souvent dans cet espace que j’écris ; dans cette tension) ne devraient que caresser des peaux d’homme ? Si j’avais eu un gâteau je l’aurais glissé entre ses lèvres là maintenant, comme une lettre dans la fente d’une boite. (ce « fente » est pas trop mal amené. mais est-il assez discret? ou inversement assez suggestif?)
Trop de centimètres nous séparaient pour que j’identifie l’odeur qu’elle dégageait. Une de ces mauvaises (faible ; piquantes?) odeurs dont une petite dose est agréable aux narines. Sont-ce les narines qui jouissent quand on sent ? En tout cas (Un peu lourd ; « en tout cas » revient trop souvent chez moi; la moindre des choses eut été de le placer derrière : « ce sont elles en tout cas que » ; ou d’utiliser « pour le moins », que j’aime bien. « Quoi qu’il en soit » est trop lourd) ce sont elles que j’ai approchées de l’échancrure de sa blouse. La fille assise à coté m’a demandé ce que je faisais. A sa voix elle était plus vieille. J’ai dit que je sentais et c’était bien (toujours dispensable; tic) vrai, je sentais, je reniflais, concluant à un mélange de parfum et de détergent. Ou alors c’était son odeur foncière, organique, son odeur propre. On pouvait l’imaginer propre mais je la préférais comme là (comme telle?), corps de fin de journée imprégné de réel, empreint de ville. Du bout de la langue j’ai parcouru (plus juste, plus conforme à un sujet agi plutôt qu’agissant aurait été: « Le bout de ma langue a parcouru ». Je m’étonne de ne pas l’avoir écrit comme ça) son cou de bas en haut, l’effleurant à peine, son dernier ronflement tout juste fendu (doute. « secoué » serait plus classique mais plus juste ; troué? non plus) d’un hoquet. Il n’était pas impossible qu’elle trouve cela (ma langue ; la langue) agréable et feigne le sommeil en guise d’autorisation à continuer. Ou bien elle rêvait qu’une langue lui léchait le cou, remontait vers l’oreille, cherchait la parcelle d’épiderme idoine (ce n’est pas le mot ; mot séduisant et donc tentant, j’aurais du y résister). La voisine m’a ordonné d’arrêter. J’ai trouvé l’ordre raisonnable et (j’aime bien ce « et ». tout y est) j’ai mordillé l’oreille, du moins ai-je cru que c’était l’oreille que je voulais mordre comme la fréquentation de l’autre sexe m’en avait à la longue transmis le réflexe, mais non ce n’était pas l’oreille, c’était le cou, c’était au niveau du cou que ça se passait (« ça se passait au niveau du cou »). Je n’ai pas trouvé raisonnable de tirer la peau du cou entre mes dents pour la sectionner. Elle a rêvé qu’une morsure lui arrachait un cri et ce n’était pas un rêve puisque je l’ai entendu, et les passagères aussi. A moins que nous ayons tous pénétré son rêve. Ce n’est pas ce qu’ont cru les filles du bus. Elles ont trouvé ce cri réel et (une virgule serait mieux) ont crié à leur tour. J’ai résisté aux mains qui m’ont agrippé et ceinturé pour m’arracher à elle. Résister n’était pas raisonnable (voilà une phrase qui dit mieux que le narrateur est agi plutôt qu’ agissant). Elle ne ronflait plus, ne dormait plus, s’était animée, se débattait sans comprendre ce qui lui arrivait. Personne ne comprenait ce qui arrivait. Une fois décroché d’elle, un chœur aigu (incorrection syntaxique que je m’autorise souvent, voir La politesse partie 3) m’a sommé de quitter le bus que le chauffeur avait immobilisé sur le parking d’un Mondial Moquette éteint et silencieux.
Je n’ai du qu’à la pleine lune et aux pancartes phosphorescentes de retrouver la direction de Saint-Pierre-des-Corps. Il m’en a couté un quart d’heure de marche parmi phares et faisceaux. A l’approche de l’immeuble j’ai contourné le bloc pour éviter un groupe de jeunes arabes. Ça m’a fait deux minutes de plus.
La glace du lavabo scellé dans un angle m’a fait voir que j’avais saigné des lèvres, mais qu’une fois le sang sec gratté aucune lésion n’apparaissait. De fait je n’avais été mordu aux lèvres ni par la dormeuse, ni par ses protectrices. Le sang qui tachait maintenant un kleenex bouchonné dans la corbeille ne m’appartenait pas. En allumant ma télé, j’ai repensé à Frédéric. Repensé n’est pas le mot. Plus exactement une loupiote neuronale s’est furtivement allumée quand j’ai appuyé sur le bouton veilleuse de la télécommande. Pendant combien d’années des postes meubleraient-ils encore les salons ? Le Soir 3 relevait et annonçait des températures élevées pour saluer l’arrivée du printemps. Sur France 2 des experts se montraient pessimistes quant à la possibilité de paix dans les Balkans. (une seule info aurait suffi)
Le lendemain et les jours suivants je suis rentré de la caserne à pied. Même en prenant le bus de 18H j’étais sûr d’y trouver une des filles habituelles, peut-être même la dormeuse dont, flexibilité oblige, les horaires variaient. Je n’avais pas très envie de ça. J’en ressentais une gêne avant l’heure. Par extension de la gêne (pas très heureux, beaucoup mieux à trouver), je me dispensais aussi de bus du matin.
On ne savait jamais.
Au bout d’un mois au régime d’une heure de marche matin et soir, j’ai demandé au lieutenant-colonel d’œuvrer pour qu’on me réintègre à ma chambrée de référence. Son irritation devant une requête à rebours du bon sens fut vite supplantée par l’adrénaline d’une nouvelle mission de pilonnage des troupes administratives dont sans surprise (« bien sûr ») il dénonçait les lourdeurs.
C’était encore un fier service qu’il me rendait. Il était assez fier de me le rendre (ce « fier » redoublé n’est pas un jeu de mots mais une réactivation de l’expression figée « fier service » ; donc je maintiens). Le jour de la quille, j’ai glissé une lettre cachetée sous son appui-main, pariant qu’il n’en découvrirait les accents lyriques que quelques semaines plus tard, quand je serai à 200 kilomètres de là, préparant fébrilement ma première année d’enseignement au cours de laquelle Sophie, prof d’anglais néo-titulaire, m’initierait au poker, d’abord sur une table du CDI un jour de grève, ensuite en salle des profs après les cours, enfin dans son studio meublé un soir de novembre et aux alentours de 23h nous nous sommes embrassés sur le canapé puis dans son lit où un laborieux effeuillage mutuel n’a pas affaibli mon érection. (ici la fluidité se gagne encore contre une certaine avancée calme et parcimonieuse dans le récit ; c’est par ce genre d’opérations qu’on passe du coté des auteurs difficiles ; mais le résultat est stylistiquement assez heureux ; sachant que cette accélération peut aussi témoigner d’une fatigue de l’écrivant -l’heure arrive où on expédie ; la qualité du romancier est l’endurance, comme on sait)
Sur le moment je ne me suis pas dit que c’était ma première fille depuis le bus de Tours. Autre chose occupait ma pensée, si on peut appeler pensée le galimatias d’un cerveau en pleine activité sexuelle.
La retombée de tension consécutive nous ayant précipités dans le sommeil sans les rituels d’avant coucher, les volets ouverts ont laissé passer le jour qui m’a réveillé à 8H10. (là encore, je fagote trois phases en une phrase : gain de fluidité, perte de clarté)
Deux reproductions de Monet se regardaient d’un mur à l’autre. Je n’en connaissais qu’une. J’imaginais sombre l’eau sous la nappe de nénuphars. Une nuisette à pois enveloppait le dossier d’une chaise encombrée de livres bilingues. J’ai eu la tentation sans suite de me lever les feuilleter. Sophie dormait sur le dos, tête légèrement désaxée du buste. Je lui ai envié cette faculté. Dormir sur le ventre entravait la (« ma » n’aurait laissé aucun doute : c’est de « mon » sommeil que je parle) respiration et laissait les bras indécis sur la position à prendre. Mes lèvres ont glissé sur son épaule, laissant un peu de bave, moins qu’un escargot (laissant moins de bave qu’un escargot? laissant un peu de bave mais moins qu’un escargot?). Elle a cru que je requérais (c’est « quémandais » qui s’imposait, faute d’inattention) du sexe et pivoté sur le flanc pour m’offrir ses fesses et son cou brulant. Elle a salué la première morsure d’un gémissement ambigu et ponctué la seconde d’un cri qui l’a éjectée du lit. Pour la première fois je la voyais nue en pied, petits seins juvéniles et tétanisée par une stupeur qui est devenu de l’effroi (a tourné effroi?) quand elle a passé un doigt sur son cou. J’ai pensé à l’index amputé du lieutenant-colonel. Je me suis excusée. Elle est allée s’essuyer dans la cuisine. En m’habillant j’ai entendu l’eau couler. Un roi de cœur était retourné contre la moquette du salon. Elle m’a demandé de m’essuyer aussi et de partir. Je suis parti sans m’essuyer. Dreux dormait encore. Même ensoleillée cette Toussaint allait être extrêmement maussade.
Le lendemain la taille du lycée polyvalent m’a permis d’éviter sans trop de manœuvres (supprimable, alourdit la phrase) Sophie qu’un reliquat de machisme me faisait supposer désireuse d’une mise au point. En réalité elle en avait encore moins envie que moi et s’est employée à ne plus me croiser jusqu’à la fin de l’année et sa mutation en Haute-Garonne.
Elle n’était pas femme de ménage, je n’avais pas entaillé son cou dans un bus de nuit mais dans un lit de jour, et j’avais couché avec elle. Seuls le sommeil et la jeunesse relative de la victime liaient les deux incidents. Pourtant il me semblait avoir déjà regardé des jeunes femmes dormir sans les mordre, ne serait-ce que Pascale avec qui j’avais souvent partagé le matelas au sol de ma chambre nantaise.
Peut-être le phénomène ne pouvait-il avoir lieu (se déclencher) qu’en région Centre.
J’aurais pu multiplier les expériences pour circonscrire le champ d’étude : regarder une fille dormir à Bordeaux, Brest, Lens, dans un pays étranger puis extra-européen, puis à Tours hors d’un bus, puis à Dreux hors d’un lit. Mais l’heure n’était pas à tenter le diable. Si cela suffisait à m’épargner la honte démunie dans laquelle m’avait laissé les deux incidents, mieux valait tout bonnement se passer de sexe et d’amour.
On y parvient.
Et à anticiper les situations à risques.
La vigilance m’est devenue une seconde nature, l’évitement un réflexe. Trois, puis quatre, puis cinq précautions valaient toujours mieux qu’une. Je déclinais les week-ends en gite rural entre collègues, changeais de place quand je sentais une voisine de cinéma prise de somnolence, boycottais les hôpitaux emplis de gens assommés par les cachets, tachais de ne pas me retrouver seul avec une fille même très en éveil, sortais peu le soir, ne sortais plus, écoutais les fictions radiophoniques de France-Culture, limitais ma vie extérieure aux impératifs professionnels, passais pour revêche ou homosexuel. (je relis sans trop de crispation ce paragraphe)
Avant le retour d’un voyage scolaire à Rome par train de nuit, j’ai avalé une grosse dose de somnifères pour ériger un mur d’inconscience entre moi et la voiture où les élèves finiraient par s’endormir, parmi lesquels des filles. Jeanne et Philippe, profs d’histoire et de philo, ne pourraient pas compter sur moi pour la corvée de surveillance. Ils se relaieraient pour des rondes. A l’aube Jeanne s’accorderait une pause thé au bar puis me secouerait tendrement le bras à l’arrivée en gare de Montparnasse. Elle n’en reviendrait pas d’une larve pareille. En plaisanterait encore dans le bus 57 direction Père Lachaise. Evoquerait à nouveau ce voyage lors de notre premier restaurant, et aussi mes absences aux fêtes de fin de trimestre. J’étais quand même un drôle de type. Elle aimait bien les drôles de types. Elle aimait bien penser à moi. Elle aimerait bien qu’on sorte marcher Boulevard Haussmann et qu’on s’embrasse devant l’immeuble Apple en se frottant mutuellement les bras pour se réchauffer. Elle était, comment dire, un peu amoureuse et moi aussi.
Longtemps, sous des prétextes divers et chaque fois moins crédibles, j’ai ajourné le saut dans la case suivante de la marelle de l’amour. Jeanne a fini par me soupçonner impuissant, ou apeuré par le sexe. C’était un soupçon pénible à essuyer. Mon existence était devenue une succession de petites choses pénibles. Il me venait des envies de course éperdue vers nulle part pour me fausser compagnie. Un soir d’avril je me suis laissé porté vers son lit. Chacun tremblait pour des raisons différentes (par ici le style se simplifie, c’est peut-être une bonne chose ; peut-être que la plume s’est assoupie en chauffant, phénomène souvent constaté). Je fuyais sa bouche pour mieux justifier que je n’use pas de la mienne. C’était risible et invivable. La vie était emplie de moments invivables. J’ai renfilé mon jean et mes baskets qui à l’époque étaient des Reebok. Je l’ai fait lentement et je suis parti dans la nuit. Jeanne ne m’a pas retenu.
A la station Barbès je me souviens qu’un rat léchait le rail de la ligne 4. (voilà une phrase assumable sans difficultés ; si cette nouvelle n’était pas de moi et que j’avais à en faire un commentaire critique, je la citerais juste pour le plaisir)
Comme je n’avais aucun repère en la matière, j’ai choisi le cabinet de psychiatre le plus proche, dans un immeuble de l’avenue Ledru-Rollin où exerçait aussi un conseiller immobilier. C’était un psychiatre chauve et affable. Il m’a demandé si un traumatisme avait précédé, de près ou de loin, l’épisode du bus. J’ai demandé ce qu’il entendait par de loin. Il a eu un geste pour dire aussi loin que vous voulez, alors j’ai parlé de mon coma après une chute de vélo, en début de CM2 (très laid, et même peut-être incorrect). Un coma d’une heure, selon le pompier qui m’avait apporté les premiers soins à même le bitume, secondée par ma mère accourue.
Probablement cinéphile (très elliptique, mais là pour le coup comprenne qui peut et veut), mon vis-à-vis a retiré ses lunettes et léché le bout d’une branche avant de demander quel genre de rapports j’avais avec ma mère. Des rapports normaux, j’ai dit. Du reste je venais de publier une pièce qu’il était loisible de lire comme une adresse tendre à celle qui m’avait mis au monde et nourri. Il m’a demandé si j’avais une sœur. J’en avais une, et aussi un père et un frère. J’avais tout ce qu’il est possible d’avoir ! ai-je plaisanté. Il a signé le prolongement de mon arrêt maladie.
Sur un site dévolu aux addictions au sang, un spécialiste expliquait qu’il s’était installé à Créteil parce que des dégâts de voirie aussi importants qu’inexplicables s’y étaient produits dans les années 80. Un signe de grande vigueur souterraine du paravivant ! a-t-il précisé en me faisant asseoir dans son salon aux volets clos. (ici la compression du récit marche plutôt bien ; même si ça sent aussi la fatigue de l’écrivant ; écueil connu, mais que les repassages du texte auraient du gommer ; un bon truc pour ça est de commencer le repassage par le milieu : ainsi une plus grande énergie sera consacré à ce qui, placé en fin, a pu être expédie par la fatigue)
Il a commencé par mesurer mes incisives latérales, tout en précisant que la longueur remarquable que leur prêtait l’imaginaire collectif était assez rare. On avait même connu des spécimens édentés qui incisaient la peau avec une lame et y appliquaient la bouche seulement après (l’idée ici, comme dans presque tout le texte, est de soustraire le mot vampire ; avec le risque que ça nuise à la clarté). Dans ce cas on parlait de succion plutôt que de morsure.
Etais-je un gros mangeur de viande ? J’ai répondu que oui, plutôt. Viande crue ? Disons qu’elle ne me rebutait pas. Et le boudin ? Oui j’aimais beaucoup.
En revanche je n’avais ni gout particulier pour les excréments, ni appétence pour ma propre chair, ni ancêtres dans la partie orientale de l’Europe à peine entrevue lors d’un voyage à Auschwitz avec des élèves de troisième en 2004 (à placer plutôt après « entrevue »). Je n’aimais pas beaucoup les cimetières, n’aurait pas volontiers dormi dans un cercueil, ne m’étais pas senti revigoré après avoir mordu les deux filles, dont je n’avais de toute façon récolté que quelque gouttes de sang, autant que je puisse en juger.
A ce propos avaient-elles, ces deux filles, développé à leur tour des comportements de réhydratation globulaire ? Pas à ma connaissance.
Mes deux premiers livres portaient-ils de près ou de loin sur les transfusions vitales ? Non plus.
Il m’a resservi du thé puis plongé son regard dans le mien, toujours cinéphile (discutable, comme redite). Plongé son regard dans le mien est l’expression approximative qui m’est venue.
-Etes-vous bien sûr de ne pas être mort ?
J’ai cassé un sucre pour n’en larguer qu’une moitié dans la tasse. Le professeur Romero n’a pas attendu ma réponse.
-Il en faut peu pour qu’un mort devienne vampire. Qu’un chien ou un chat enjambe le cadavre et hop : le mort est converti. Du coup il s’anime aussitôt, s’anime si tôt qu’il se croit vivant, pense qu’il a juste perdu connaissance, et je vous laisse imaginer le malentendu.
-Oui.
-Ça marche aussi avec les hyènes mais par chez nous la probabilité est faible.
Le soir au téléphone m’a mère m’a remercié pour l’envoi de la pièce, elle ne l’avait pas encore lue mais m’avait entendu en parler chez Ruquier où elle m’avait trouvé une petite mine. Je lui ai demandé si elle se souvenait de mon accident de vélo de CM2 et de la durée pendant laquelle j’étais resté seul inanimé avant que des gens puis le pompier s’occupent de moi. Elle a réfléchi pour me faire plaisir mais non, elle ne pouvait pas savoir, puisque par définition elle n’était pas là. Un bout de temps (« un bon bout de temps » rendrait mieux compte de l’oralité), quand même. Une départementale de Vendée en plein hiver c’est assez désert. Disons un bon quart d’heure.
Un bon quart d’heure. (rythmiquement il aurait fallu : « Un bon quart d’heure, ai-je songé en raccrochant » Scolaire mais payant.)
En un bon quart d’heure un chien avait pu m’enjamber. Ou un chat. Il n’en manquait pas à la campagne (Les plaines marécageuses du Sud-Vendée n’en manquaient pas, écrirais-je aujourd’hui). Ni de boudin, qu’on ficelait dans la grange après avoir saigné le cochon. Il y avait une certaine cohérence dans tout ça (j’aime bien cette phrase). Rien n’excluait que je sois mort. C’était sans doute ça (répétitif avec celui de la ligne précédente ; et dispensable, en plus : « C’était sans doute l’explication » marche aussi bien) l’explication. J’aurais pu m’en alarmer mais le fait que personne ne s’en soit rendu compte en trente ans prouvait que c’était une nouvelle d’importance mineure (que cette révélation était d’une importance mineure). J’étais mort et ça ne changeait pas grand chose.
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Post concernant la nouvelle Trompe la mort (dis-moi ne peut plus me voir) :2015 je m’arrête un peu sur les premières pages : Trompe le monde / ceci n’est pas une nouvelle policière : il me semble que la nouvelle est écrite pour être comprise de deux façons : il ne se passe rien que de normal /il y a du louche tout le temps . Qu’il y a une lecture amusée, sinon une critique,des analyses et analyses courantes : la copine Sylvie armée de son expérience érigée en théorie qu’elle assène à l’héroïne / les limites des investigations : »semblaient sans rapport…jugé a postériori déterminant…les informations disponibles… »
La psychologie de l’héroïne est présentée à la fois comme ordinaire : « 15 ans 3 mois (elle a compté)…l’essentiel de ses conjectures- à propos des baisers-…l’épreuve obligatoire… » on voit une adolescente normale qui envisage sa vie sexuelle et amoureuse avec les moyens dont elle dispose ; et comme décalée : en particulier le vocabulaire inhabituel : « abouchement…attelage…sous ce régime…ersatz… »
Les événements- éléments d’enquête sont mélangés et ainsi neutralisés,produisant à la fois de l’indifférence ,de la vigilance et de la confusion :dans la série de la première page, « l’oreille du chat » peut être réponse à chercher l’erreur ;les retrouvailles avec le père sont considérées comme sans importance,mais la date précise pourrait représenter une réserve du narrateur sur ce choix de la justice – les indications de temps me semblent toutes sur ce modèle : à la fois précises et difficiles à vérifier à la simple lecture, « sauf à croire » qu’il y a là une construction narrative très volontairement montée.
Des anomalies, par ex la phrase : « Avec toute la bonne volonté du monde,la brusquerie et la violence peinent à lui apparaître comme des joyeusetés » :soit c’est une simple réponse à l’idée de sa copine, que les filles aiment qu’on les brusque,soit c’est plus complexe :pourquoi mettre de la bonne volonté à accepter quelque chose d’habituellement inacceptable : paradoxe psychologique.
Autres éléments,anomalies semées dans le texte : « son idée…elle y parvient…son corps a toujours su…des stigmates…ressort profond…plan ourdi… »:qui présentent le personnage comme une sorte de psychotique en puissance.
Il me semble qu’il y a là une utilisation associée à une critique (le mot ne convient pas,je ne trouve pas le bon pour l’instant…un détournement?)du genre policier : Trompe le monde :dans ce personnage, à la fois : circulez, il n’y a rien à voir / tiens tiens…/ toute tentative d’analyse, de jugement, est vaine et vouée à l’erreur / notre société avec ses procureurs, sa PJ,ses théories psychanalytiques,se plante.
Si je pousse le bouchon : vive l’anarchie / Jules Bonnot, sors de ce corps !
à suivre.encore une fois, rien d’anodin chez François Bégaudeau.
@patricia: les voilà enfin tes lignes sur Trompe le monde :- ) // merci Webmaster //
– Tu me remets en tête dans la liste moqueuse des traumas d’enfance racoleurs à trouver, l’oreille de chat coupée, oeuvre probable des témoins de Jéhovah,
ce pourrait aussi être les gens du voyage (moins précis?) moins l’œuvre des artistes de la bouche et du pied, quoique jaloux de ne pas peindre avec les oreilles, une fois bien chauffés…
– J’ai beaucoup aimé les lignes sur l’éveil aux baisers, aux garçons, la dualité ordinaire/extraordinaire car singulière et unique tout de même de Gaëlle, c’est un peu aussi style ‘après tout ça existe alors pourquoi pas le tenter’ alors qu’à la fois elle sait déjà que ça pourrait ne pas le faire,
Comment tu l’écris déjà?
… / rien d’anodin chez François Bégaudeau. / … ah oui, c’est peut-être ça,
@patricia: J’aime bien que tu relèves cet aspect de la nouvelle trompe le monde :
Je trouve que c’ est très intéressant ce qui se trame avec l’enquête et la conclusion, il aurait été dommage de ne pas le retenir.
Vanessa avait tout les critères requis pour se suicider et c’est donc la conclusion.
Gaëlle peut en rire de malice bien qu’elle n’y soit pour rien.
C’est la justice qui se fait son petit travail de mise en sens toute seule.
Elle se trompe elle-même, c’ est comique.
Faute de preuves, on interprète, on s’fait plaisir.
Bon après je serais plus modérée sur le côté vain des analyses.
n’oublions pas le contexte social non plus
le bassin Yvelines
ce que les libéraux appellent, en bavant de plaisir, un écosystème
@François Bégaudeau: Ah ? les libéraux sont excités par une certaine evelyne au large bassin ?
Oooh j’comprends rien, chuis fatiguée.
Je relirais ta nouvelle à l’occase.
relirai,au futur, p’tain. merde.
dead flowers rolling stones https://www.youtube.com/watch?v=8YRdxHHFKvQ
bref
et donc j’me disais comme ça pour résumé, que si on est mort il vaut mieux ne pas avoir de désir sexuel afin de ne pas faire du mal aux objets désirés, de ne pas leur transmettre la malédiction.
Alors que si on est vivant.
résumer, ouais c’ est bon ça va j’maitrise.
La nouvelle me plait mais plus encore la critique par l auteur lui même.c est une chouette leçon sur l écriture. Jérémy est trop fort sur les propositions
Je me pose aussi la question du titre : hommage posthume à ce cher ami, aux anticipations justes,pirouette de l auteur qui veut embrouiller les pistes?
Fente me semble hautement érotique , et électrifiant.
@Josefina di la laguna: Ah te voilà ! de retour ? Toujours aux EU? sympa de te retrouver ici.Tu continueras de raconter ce séjour?
@Josefina di la laguna: salut Josefina, comment vas-tu ?
@patricia: quel acceuil !c’est gentil…
si vous en redemandez, du sejour americain , je vous en redonnerai , oui;
et oui je suis rentrée , alors que j aurais bien aimé rester encore un peu à new york; c’était juste une belle saison qui commencait ;mais oui fallait rentrer gagner sa vie quand meme !
je vais terriblement bien malgré mon retour et vous, vous avez l air en pleine forme à ce que je lis
Francois semble toujours actif et ingenieux a faire reflechir sur ce site (preuve , cet auto correction dont je savoure aussi la mise à nu du travail du dit Francois.)
@Josefina di la laguna: Salut Josefina – contente de te voir. J’espère que tu as profité de ton séjour aux EU. Raconte – nous!
Et moi je me demande si les mains des filles de 20 ans n’ont vraiment que deux solutions : tenir un balai ou caresser des peaux d’hommes ? ceci dit, « caresser des peaux d’hommes » c’est bien mieux que « caresser la peau des hommes », plus restrictif. Quel fatum de précarité lui avait mis un balai dans les mains à l’âge où elles ne devraient que caresser des peaux d’homme ?
Donc, lu le texte, le retour sur le texte et les commentaires, avec retard et beaucoup d’intérêt. Joué le jeu, lu dans l’ordre, repris le texte corrigé en compagnie de l’auteur, écartant la rencontre précédente entre la nouvelle et ma propre expérience ; même si j’avais envie d’aller directement au texte corrigé pour fusionner avec le travail de l’auteur, un rêve de lecteur, mais qui prive du contact sensible avec le texte -ce qu’on reproche trop souvent à l’école.
Je reviens sur la confrontation entre écriture, correction, lecture d’un texte présenté comme imparfait. C’est comme si le texte abouti et publié disparaissait du recueil, pages arrachées, reposées sur la table de dissection. On a le droit ? Le temps n’est pas arrêté par la divine publication ? Très fort cette idée qu’on puisse continuer à réfléchir et corriger après le livre mais perturbant aussi : comment trouver le sommeil si ce qui est terminé ne l’est pas et s’ajoute aux travaux en cours et à venir ? La réponse tient peut-être dans une invitation à la fluidité, à penser le monde en continu. Ça me fait penser à cette affaire des brouillons d’écrivains qui ne sont plus ce qu’ils étaient depuis qu’on utilise le numérique. En poussant un peu, il y aurait une possibilité de réécrire les livres à l’infini, ou de les actualiser au moins, les éditions « augmentées » existent déjà, alors…
Ici l’auteur n’a pas re-écrit ni même perturbé le texte, juste questionné et corrigé les imprécisions. J’aime particulièrement les notations sur la singularité de l’écrivain contre la norme C’était encore un fier service qu’il me rendait. Il était assez fier de me le rendre (ce « fier » redoublé n’est pas un jeu de mots mais une réactivation de l’expression figée « fier service » ; donc je maintiens)., les libertés assumées, prises avec les ellipses par exemple Probablement cinéphile (très elliptique, mais là pour le coup comprenne qui peut et veut), l’aveu de fatigue lorsque la phrase est faible peut-être que la plume s’est assoupie en chauffant, phénomène souvent constaté, et au passage une indication cruciale souvent la clarté passe par le scolaire, c’est un souci, et c’est souvent dans cet espace que j’écris ; dans cette tension.
@Acratie: « des peaux d’homme » pas des peaux d’hommes OK
Il faut bien voir que je mets d’abord cette nouvelle en ligne parce que je n’en suis pas mécontent et la trouve digne d’intéret. Mais j’ai voulu aussi témoigner de ce qui arrive systématiquement quand on se relit après quelques années : forcément beaucoup de détails, voire des éléments plus substantiels, couinent dans les oreilles (et puis il n’y a pas meilleur témoignage de l’artisanat littéraire que cette prise par le concret du style, pas de meilleure preuve qu’elle est un faire -poésie vient de là- que la démonstration en acte qu’elle peut toujours se défaire, se refaire).
En cela c’est vrai un texte n’est jamais fini. Il arrive juste un moment où son état satisfait assez l’auteur pour qu’il en fixe l’état au point de le publier. Un moment, peut-etre aussi, où l’auteur n’a plus le jus pour remettre une nouvelle fois l’ouvrage sur le métier, comme dit l’autre. En gros: je sais bien qu’on pourrait encore peaufiner, mais pour ma part je n’ai plus rien dans les doigts.
On ne demande jamais à un auteur ce qu’il changerait dans tel livre s’il pouvait le faire pour une republication. C’est bien dommage, c’est la question centrale, qui permettrait d’élucider bien des choses (les diverses livraisons des sitistes autour de cette mise en ligne ont donné magnifiquement chair à cette idée)
Pour ce qui est du droit de mettre en ligne, non je n’ai pas stricto sensu le droit, mais, comme expliqué dans le petit texte introductif, la sous-visibilité du recueil à sa sortie, conjointe à l’amitié de Veronique, fait qu’on ne viendra pas m’emmerder avec ça. L’existence mineure, c’est sa force, sa joie propre, donne une grande liberté -une euphorique irresponsabilité.
@François Bégaudeau: Pardon, j’extrapole un peu, mais est-ce qu’on ne peut pas se féliciter que le livre dématérialisé, numérisé puisse permettre au lecteur d’avoir la main, jusqu’à pouvoir retravailler le texte dit « final » -pour copier, déplacer, supprimer, réécrire si on veut- ? Le livre papier ne peut être qu’annoté en marge ou dans des interstices, le lecteur se trouve prisonnier dans un format étroit (et encore, si on décide d’écrire sur le papier, ce que certains considèrent comme un sacrilège, au nom justement de cette sacralisation du livre-objet : écrire au bic sur les pages fines d’un bouquin de La Pléiade, c’est donc le crime absolu). Ou alors on griffonne ses remarques vraiment à côté du texte, à part, sur un autre support : feuille volante, bloc-notes, carnet, ordinateur… Je trouve que la plasticité du texte autorisée par le livre numérique peut induire un autre mode de lecture, peut-être plus démocratique, puisque le lecteur a concrètement, matériellement la main. J’ose croire que la circulation dans le texte consécutive à cette plus grande souplesse, peut contribuer à « horizontaliser » la relation entre lecteurs et auteurs, quand l’objet-livre fétichise la production littéraire. Je sais que cet élément seul ne suffira pas, il en faudra bien plus pour que cesse d’advenir le règne de l’écrivain tout-puissant. Mais au moins, on reviendra à l’essentiel, le texte, sans gloser sur la beauté de l’objet-livre, dont je me fous assez globalement (surtout quand il n’y a pas d’iconographies). Et c’est un début.
Je suis assez d’accord, même si :
-n’oublions pas qu’une lecture non-modificatrice demeure une activité tout à fait intéressante en soi
-« l’écrivain tout puissant », c’est un peu fort quand même. Je te rappelle qu’à peu près personne ne le lit, liquéfiant tout à fait la sacralité tétanisante de son statut.
Il fallait que ce fût rappelé.
@François Bégaudeau: je savais que tu allais tiquer sur « écrivain tout puissant ». Je me suis mal exprimé. J’aurais dû parler de la toute puissance de l’auteur -en tant qu’incarnation de la littérature-, des représentations qu’elle peut induire chez un certain nombre de lecteurs, pas de l’être social. Tu l’as maintes fois évoqué, le monde des livres vit sur cette tension : plus ils sentent socialement déclassés, plus un certain nombre d’auteurs se crispent sur cette mythologie de l’écrivain tout-puissant par rapport à son art (même l’angoisse de la page blanche et sa théâtralisation à longueur d’interviews par certains-vaste foutaise- participent d’une auto-glorification de leur statut d’écrivain, pas de l’évocation d’une véritable aporie). Je ne sais pas si je suis clair, j’avais ça en tête. Pour la lecture, je me situais dans une perspective de travail critique, si jamais le lecteur a envie. La lecture non-modificatrice, bien évidemment et heureusement d’ailleurs.
@Acratie: Ca fait plaisir de te relire ici. Je souscris complètement. De toute façon, cette relecture est contagieuse et l’idée qu’un livre puisse continuer de s’écrire est très intéressante, induit que des lecteurs pourraient même -par exemple- reprendre certains passages de « Madame Bovary », le bouquin soi-disant impossible à réécrire, puisque la vulgate scolaire/universitaire en fait un point zéro de la perfection stylistique.