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Travailleur de la critique
Sidy Sakho collabore à Chronicart, Cinématraque et Revue Zinzolin. Il est également l’initiateur du blog Ceci dit (au bas mot) où il recueille des « Paroles d’allié » un peu comme on signale des « Travaux amis ». Il a interrogé François sur son travail de critique. Extrait.
François, de tous les critiques de cinéma français, tu es sans doute le moins définissable comme « critique de cinéma » pur, vu que tu écris aussi sur les livres, que tu écris des livres toi-même, mais aussi des pièces, des scénarios. De tous ces régimes d’écriture, toutes ces disciplines, laquelle te semble la plus essentielle ? Il y a de grandes différences de méthodes ?
C’est évidemment l’écriture de romans qui m’importe le plus – et l’écriture de pièces, de plus en plus. Si le style c’est l’homme, comme disait l’autre, alors c’est dans le roman qu’est le plus tangible et assumé le rapport entre le style et l’homme. Un texte critique est relatif à un objet (le film), un support, un contexte, un format. Autant de contraintes que j’accepte et assume, et qui parfois fortifient l’écriture, mais forcément elles codifient beaucoup l’exercice. Par ailleurs l’écriture critique participe du régime théorique, et mon ADN d’écriture reste le récit.Cela dit, c’est par la critique de cinéma que j’ai commencé, dans les années 90, et mon gout pour cette forme de réflexion et d’écriture n’a jamais faibli – alors que tout m’incitait à y renoncer (1 je gagne ma vie par ailleurs, 2 j’ai mis un pied dans la fabrication de films, 3 en général l’exercice critique ne vous fait pas que des amis, etc). Je trouverais ma vie moins bien si elle ne comprenait pas la réflexion écrite sur les films.
L’entretien est disponible dans son intégralité à cette adresse : Parole d’allié – François Bégaudeau
4 Commentaires
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J’ai lu je ne sais plus où que tu as commencé à prendre la mesure du rôle de l’écriture et de sa capacité à capter du réel en écrivant sur le cinéma, en analysant les films. Ça m’a marquée parce que mon objet d’étude à l’Université c’était la novélisation (je n’enseigne plus, je le précise, mais j’ai toujours des amis (ni maître de conf ni prof des universités) qui me font participer aux interventions qu’on organise, le dernier « putch » en date est la venue de Ruffin à Montpellier). La novélisation c’est l’adaptation du film au livre, séries télé => livres, voire, jeux vidéos => livres. Donc l’écriture (fiction) à partir d’une œuvre cinématographique et ses descendances narratives visuelles, pour le dire globalement. J’ai appris à écrire comme ça. C’est un sujet intéressant, notamment parce qu’au delà de sa fonction très commerciale, les cinéastes de la nouvelle vague en France s’en étaient aussi emparés pour montrer la puissance et l’intérêt esthétique, artistique du cinéma, parent pauvre de la culture, art plus populaire car lié profondément à son statut d’industrie du divertissement. Ramener l’image sous la coupe du mot a permis notamment de mieux comprendre le cinéma ou même a servi à lui donner une consistance plus matérielle à cause de son caractère « volatile », insaisissable. Un flux continu d’images qu’on tente de restituer dans objet malléable en quelque sorte. Les cinéastes de la nouvelle vague d’abord critiques avouaient justement que leur activité de critique était en grande partie de la création littéraire parce qu’ils ne voyaient le film qu’une fois et que voir le film qu’une fois au cinéma ne leur permettait pas véritablement de restituer précisément le travail du cinéaste, ce que fait le film. C’est la vidéo qui, permettant l’arrêt sur image, permet l’épanouissement de l’analyse filmique. Ma question c’est comment tu travaillais en tant que critique. ? Est-ce que tu avais la possibilité de voir le film plusieurs fois ? Est-ce que tu étais conscient que voir le film qu’une fois était une condition incomplète pour vraiment rentrer dans une analyse ou bien considères tu que cela permet aussi de ne pas trahir le film. ?
En ce qui concerne le réel et l’écriture, pour ma part, malgré ce sujet d’étude c’est en allant voir des comparutions immédiates de Gilets Jaunes que j’ai pris conscience de façon assez spectaculaire du rôle de l’écrit pour prendre conscience que ce à quoi on assiste a vraiment existé. Je ne sais plus où sur ce site quelqu’un se demande ce qu’il pourrait faire pour soutenir les Gilets Jaunes. Il y a quelque chose que tout le monde peut faire : assister aux fameuses comparutions immédiates des Gilets Jaunes et aujourd’hui à leurs jugements, prendre des notes, restituer à l’écrit ces scènes où on prend en pleine gueule ce jugement de classe. Les retranscrire et les partager. Personnellement c’est là, à l’aube de mes 40 ans que j’ai violemment pris conscience que les organes de la justices étaient occupés par une bourgeoisie qui use de la lois pour nous asservir. C’est une plaie parce que ce fonctionnement est fortement implanté. J’ai assisté à cette comparution immédiate début janvier, j’ai pris des notes, le soir j’étais épuisée. J’ai dormi (moment le plus passionnant) et j’ai tour retranscrit au propre le lendemain. Et en restituant précisément toutes les paroles j’ai pris conscience que si je n’avais pas fait ça je n’aurais pas retenu précisément tout ce « spectacle » tant ce qui a été dit était choquant et incroyable. On « sait » que l’état fonctionne comme ça mais quand on le voit et qu’on l’écrit ça change beaucoup de choses. Mis noir sur blanc ça m’a permis de l’incruster dans le réel et de prendre conscience après coup que tout ça avait vraiment eu lieu et existait vraiment.
Bref.
Comment travaillais-tu en tant que critique (l’entretien sur ce sujet n’est plus disponible). Pour moi restituer ce que fait un cinéaste et son équipe nécessite du temps et j’ai l’impression que le critique n’en a que très peu.
Un certain nombre de réalisateurs ou d’acteurs appellent la rédaction des magazines de cinéma, lorsqu’une critique leur déplaît : mythe ou réalité ? Je me posais la question. J’ai entendu quelques témoignages, j’avais vu un reportage sur Claude Berri, un jour, qui appelait directement une rédaction pour gueuler. Mais je ne saurais pas quantifier en pourcentages. Comment évaluer la pression ? Comment se manifeste-t-elle ?
en l’occurrence Berri apelle Libé, pa content de leur assassinat d’Uranus
ça arrive, je pense, mais la vérité courante est évidemment plus subtile, le tenage par les couilles plus retors (je veux bien t’avoir un entretien avec l’acteur, mais on est d’accord que tu défends le film ; ce genre là)
@François Bégaudeau: oui, je le voyais grosso modo comme ça.